Contexte
L'Assemblée nationale devait se prononcer le 9 décembre 2025 sur le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS), d'abord sur la partie « dépenses », puis sur le texte dans son ensemble. Le vote intervenait après des lectures successives à l'Assemblée et au Sénat et l'échec de la commission mixte paritaire.
Cadre constitutionnel et procédure parlementaire
Le processus législatif applicable au PLFSS implique la navette entre l'Assemblée nationale et le Sénat. L'article 45 de la Constitution prévoit que, si la commission mixte paritaire (CMP) n'aboutit pas, le gouvernement peut, après une nouvelle lecture par les deux assemblées, demander à l'Assemblée nationale de statuer définitivement. Deux interprétations existent : l'Assemblée peut être appelée à statuer soit sur le texte élaboré par la CMP, soit sur le dernier texte mis aux voix devant elle, éventuellement assorti d'amendements adoptés par le Sénat.
En cas de rejet définitif du PLFSS par l'Assemblée, le gouvernement peut estimer qu'il doit reprendre la procédure législative depuis le début, avec l'envoi d'un nouveau texte au Sénat, puis à l'Assemblée. Cette reprise allongerait le calendrier parlementaire. Le recours à l'article 49.3 de la Constitution (engagement de la responsabilité du gouvernement sur un texte) est une option constitutionnelle, mais son usage dépend d'une décision politique du gouvernement. Les ordonnances constituent un autre outil, limité aux matières prévues par la Constitution et aux conditions fixées par le gouvernement. Une loi spéciale de finances peut, dans certains cas, comporter une disposition autorisant l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss) à emprunter, mais la possibilité d'utiliser systématiquement ce mécanisme pour remplacer un PLFSS est encadrée et susceptible de contentieux.
Scénarios procéduraux en cas de rejet
- Reprise de la navette parlementaire : dépôt d'un nouveau projet par le gouvernement, nouvel examen au Sénat puis à l'Assemblée, nouvelle tentative d'accord.
- Recours à l'article 45 : dépend de l'interprétation juridique de la « mise aux voix » et de la décision du gouvernement de demander à l'Assemblée de statuer définitivement.
- Usage du 49.3 : possible si le gouvernement décide d'engager sa responsabilité pour faire adopter un texte sans vote favorable explicite.
- Mesures temporaires : insertion d'une autorisation d'emprunt pour l'Acoss dans une loi spéciale de finances de l'État ou dans un autre texte budgétaire pour assurer des liquidités à court terme.
Conséquences financières
Les autorités ont indiqué que, même en l'absence d'un PLFSS formel, les prestations continueraient d'être versées et les cotisations perçues sous réserve de dispositions transitoires. Toutefois, l'absence d'un texte final risquerait d'accroître le déficit de la Sécurité sociale. Les estimations transmises aux parlementaires faisaient état d'un déficit susceptible de dépasser 30 milliards d'euros en l'absence de budget voté, contre un déficit de l'ordre de 25 milliards pour l'année en cours et une prévision de l'ordre de 19,6 milliards pour l'année suivante dans le projet examiné.
Un déficit accru pourrait peser sur le financement des prestations et sur les modalités d'endettement de l'Acoss. Le Parlement reste toutefois en capacité d'adopter un PLFSS en cours d'année, comme cela a déjà eu lieu lors d'exercices antérieurs où un budget a été voté après l'ouverture de l'exercice.
Conséquences politiques
Un rejet du PLFSS expose le gouvernement à des tensions politiques et à des appels à la responsabilité ministérielle. Des responsables politiques ont évoqué la possibilité d'une crise politique en cas d'absence de budget. Le gouvernement a indiqué qu'une démission collective liée à un rejet n'était pas automatique, et que l'usage préalable du 49.3 aurait été la voie pour engager formellement la responsabilité ministérielle.
Les positions des groupes parlementaires étaient divisées : certains groupes de la majorité ont manifesté des réticences, d'autres formations d'opposition ont annoncé qu'elles s'opposeraient au texte ou s'abstiendraient. Ces dissensions influent sur les marges de manœuvre du gouvernement pour faire adopter un texte identique par les deux assemblées.
Calendrier et précédents pratiques
La reprise complète de la procédure allongerait le calendrier législatif et pourrait retarder l'adoption d'un PLFSS de plusieurs semaines à quelques mois, selon l'issue des travaux parlementaires et l'éventuelle utilisation d'outils constitutionnels. Des précédents récents montrent que des budgets sociaux ont parfois été adoptés après le début de l'exercice, et que la loi spéciale de finances peut comporter des dispositions temporaires visant à assurer la continuité des flux financiers pour la Sécurité sociale.
Points de vigilance
- La solution technique (autorisation d'emprunt, loi spéciale, 49.3, ordonnances) retenue dépendra d'arbitrages politiques et d'évaluations juridiques sur leur recevabilité.
- Un retard d'adoption du PLFSS peut augmenter le déficit comptable et contraindre le recours à des mesures transitoires pour garantir le versement des prestations.
- L'issue du vote et les décisions du gouvernement détermineront le calendrier des mesures correctrices et des modalités de financement provisoires.








