Contexte et procédure parlementaire
Les débats sur le projet de loi de finances pour 2026 ont repris à l'Assemblée nationale le 13 novembre 2025, après une interruption. L'examen porte simultanément sur la partie « recettes » et sur la partie « dépenses » du texte. Le Parlement doit traiter plusieurs milliers d'amendements sur l'ensemble du projet ; la première partie, consacrée aux recettes de l'État, comprend plusieurs centaines — voire milliers — d'amendements selon les étapes de travail.
L'Assemblée nationale a mobilisé, lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, des dispositions constitutionnelles relatives aux délais de première lecture (article 47‑1), ce qui a influencé le calendrier de discussion du budget. Le gouvernement s'engage à transmettre au Sénat les amendements adoptés par l'Assemblée nationale ; la navette parlementaire reste possible, jusqu'à une éventuelle commission mixte paritaire.
Déroulement récent et calendrier
L'examen du texte a été interrompu en séance la nuit du 13 novembre 2025 pour ne pas siéger le week‑end, annoncée par le ministre en charge des relations avec le Parlement. Le ministre a évoqué la fatigue des parlementaires et du personnel et le nombre d'amendements restants pour expliquer cette pause. Les travaux de la séance ont été programmés pour reprendre le lundi matin à 9 heures.
Le gouvernement et les groupes parlementaires ont indiqué des démarches visant à permettre, selon les cas, le retrait d'amendements afin de faciliter un vote en première lecture. Certains groupes ont annoncé des retraits d'amendements partiels ou massifs. L'ensemble du texte doit être transmis au Sénat conformément aux délais constitutionnels.
Mesures fiscales adoptées ou en cours d'examen
Plusieurs mesures affectant les recettes publiques ont été votées ou soumises au débat. Les éléments principaux portent sur l'imposition des revenus, des entreprises et des patrimoines.
Suppressions et réductions d'avantages fiscaux : arrêt programmé de la réduction d'impôt liée aux frais de scolarité dans le secondaire et le supérieur ; réduction progressive de l'avantage fiscal accordé aux biocarburants (notamment E85).
Fiscalisation de prestations : fiscalisation envisagée des indemnités journalières liées aux affections de longue durée.
Dispositifs liés à l'apprentissage et aux avantages en nature : fin ou réduction de l'exonération des cotisations pour les apprentis ; augmentation des charges patronales sur certains avantages en nature, incluant tickets‑restaurant et chèques‑vacances.
Taxation des holdings et des patrimoines : proposition d'une taxe sur les holdings patrimoniales visant à limiter certaines stratégies de thésaurisation. En commission, un texte destiné à encadrer cette taxation a été modifié par inadvertance et devra être rectifié en séance publique si nécessaire. Parallèlement, la transformation de l'impôt sur la fortune immobilière (IFI) en un impôt ciblant les biens immobiliers dits « improductifs » élargit l'assiette en retenant uniquement certains biens immobiliers, tout en prévoyant un abattement pour la résidence principale ; le chiffrage de cette réforme est en cours.
Prolongations et réintroductions : prolongation de la contribution différentielle sur les hauts revenus (CDHR) instaurée lors du budget 2025, visant un taux minimal d'imposition de 20 % pour certains foyers ; retour de l'"exit tax" dans sa forme antérieure à 2019, visant à taxer la plus‑value latente sur actions lors d'un transfert de domicile fiscal hors de France.
Abattement sur les pensions : au cours de l'examen, les députés ont maintenu l'abattement fiscal de 10 % sur les pensions, rejetant une proposition de remplacement par un abattement forfaitaire de 2 000 euros chiffré à 1,2 milliard d'euros de rendement estimé par le gouvernement.
Transformation de la "niche Coluche" : les députés ont approuvé la transformation de la réduction d'impôt en un crédit d'impôt ouvrant droit aux foyers non imposables, et ont doublé le plafond des versements donnant droit à l'avantage fiscal.
Mesures ciblant les entreprises et les multinationales
Plusieurs mesures visent les grandes entreprises et les acteurs internationaux.
Surtaxe sur l'impôt sur les sociétés : une surtaxe renforcée a été adoptée, portant le taux effectif d'imposition pour les très grandes entreprises jusqu'à 35,3 % selon les modalités votées pour 2026. Des aménagements ont été prévus pour réduire l'impact sur les entreprises de taille intermédiaire.
Contribution exceptionnelle et taxation sectorielle : prolongation de la contribution exceptionnelle sur les grandes entreprises, ciblant les très grands groupes avec des taux différenciés selon les tranches de chiffre d'affaires ; la participation prévue pour l'année en cours devrait toutefois être réduite par rapport à l'année précédente.
Taxe sur les services numériques : le taux a été relevé de 3 % à 6 % pour les services visés, après amendements visant à limiter l'impact d'une hausse plus forte.
Impôt minimum mondial et assiette : des propositions d'élargissement de l'assiette de l'impôt minimum mondial ont été discutées, avec un basculement d'un seuil prévu à 750 millions d'euros vers des seuils plus larges pour toucher davantage d'acteurs, selon les versions d'amendements examinées.
Rachats d'actions et superdividendes : la taxe sur les rachats d'actions a été augmentée, passant de 8 % à 33 % dans la version adoptée. Une taxe exceptionnelle sur les superdividendes a été votée ; le gouvernement a exprimé des réserves quant à sa compatibilité avec le droit européen.
Mesures votées sur les multinationales : plusieurs impôts visant les multinationales et des prélèvements sur les superdividendes ont été adoptés au cours de l'examen. Une proposition dite "taxe Zucman" visant une imposition spécifique n'a pas été adoptée.
Assouplissements pour les PME : en contrepartie, des allègements ont été votés pour les petites et moyennes entreprises, notamment l'extension du taux réduit d'impôt sur les sociétés à un seuil de bénéfice plus élevé (jusqu'à 100 000 euros de bénéfice) et une réduction de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) pour certains secteurs.
Dispositions sectorielles et autres recettes
D'autres mesures adoptées ou discutées concernent des secteurs précis et des recettes nouvelles.
Taxe sur les produits importés de faible valeur : proposition d'une taxe sur les petits colis importés hors Union européenne, fixée à 2 euros par article selon le texte gouvernemental, pour répondre aux enjeux liés au commerce en ligne. Cette mesure fait l'objet d'un examen continu en séance.
Taxes environnementales et sanitaires : instauration d'une taxe sur l'usage d'hexane dans certaines extractions d'huiles végétales ; introduction d'une taxe proportionnelle du chiffre d'affaires pour les entreprises ne respectant pas l'obligation d'affichage du Nutri‑Score, avec des exceptions pour certaines appellations protégées.
Mesures sociales et contributions : modifications issues du projet de loi de financement de la sécurité sociale ont été votées en amont, incluant le plafonnement de certains arrêts de travail et la hausse de contributions sur certaines ruptures conventionnelles, ainsi que des ajustements de la contribution sociale généralisée sur les revenus du capital.
Calendrier, enjeux et suites possibles
L'Assemblée nationale a programmé des séances plénières pour poursuivre l'examen et le vote des différentes parties du projet de loi de finances. Selon le calendrier parlementaire, la partie recettes devait faire l'objet d'un vote en fin de semaine ou au début de la semaine suivante, sous réserve de l'issue des débats et du nombre d'amendements à examiner.
Le Sénat, majoritairement d'une autre orientation politique, examinera à son tour le texte et pourra proposer des modifications. La navette parlementaire entre les deux assemblées et, le cas échéant, une commission mixte paritaire, déterminera la version finale du projet de loi de finances.
Les mesures adoptées au sein de l'Assemblée nationale modifient l'équilibre des recettes et des dépenses prévu initialement par le gouvernement et conduisent à des ajustements ciblés sur les entreprises, les patrimoines et certaines niches fiscales, tout en accordant des allègements ciblés aux petites entreprises. Les dispositions retenues font l'objet d'arbitrages techniques et juridiques qui pourront être précisés dans la suite de la procédure législative.








