Résumé
L'étude PestiRiv, conduite conjointement par Santé publique France et l'Anses, a évalué l'exposition aux pesticides de personnes vivant à proximité de parcelles de vigne. Les résultats, rendus publics le 15 septembre 2025, montrent des niveaux d'imprégnation humaine et de contamination des milieux plus élevés chez les riverains des vignes que chez des personnes résidant à distance des cultures. L'étude n'établit pas de lien direct entre ces niveaux d'exposition et des effets sanitaires observés cliniquement.
Méthodologie
L'enquête, menée en 2021-2022, a porté sur 265 sites répartis dans six zones de France : Grand Ouest, Bourgogne-Franche-Comté, Auvergne-Rhône-Alpes, Provence-Alpes-Côte d'Azur, Occitanie et Nouvelle-Aquitaine. Elle a inclus 1 946 adultes et 742 enfants (les moins de trois ans n'ont pas été inclus). Les mesures ont couvert 56 substances (fongicides, insecticides, herbicides et autres) et ont été réalisées dans plusieurs matrices : urine, cheveux, air extérieur, air intérieur, poussières domestiques et quelques potagers.
Les participants ont été classés en deux groupes selon la distance au vignoble : à moins de 500 mètres et à plus de 1 000 mètres de toute culture. Des questionnaires ont recueilli des informations sur les modes de vie, l'alimentation et les habitudes au sein du foyer. Les chercheurs ont également tenté d'estimer les quantités de produits phytopharmaceutiques épandues, faute d'accès aux données réelles d'utilisation.
Principaux résultats
- Certaines substances, spécifiques ou non à la viticulture (par exemple folpel, métirame, glyphosate, fosétyl-aluminium, spiroxamine), ont été détectées plus fréquemment et à des niveaux plus élevés à proximité des vignes.
- Comparativement aux zones situées à plus d'un kilomètre de toute culture, les niveaux observés en zones viticoles (à moins de 500 mètres) faisaient apparaître des augmentations pouvant atteindre :
- environ 45 % dans les urines pour certaines substances ;
- plus de 1 000 % dans les poussières domestiques pour certaines substances ;
- un facteur 12 dans l'air ambiant pour certaines mesures.
- En période de traitements agricoles (par rapport aux périodes sans traitements), les niveaux pouvaient encore augmenter, avec des augmentations relevées allant, selon les matrices et les pesticides, jusqu'à :
- 60 % dans les urines ;
- plus de 700 % dans les poussières ;
- jusqu'à 45 fois dans l'air ambiant.
- Les enfants âgés de 3 à 6 ans présentaient des niveaux d'imprégnation supérieurs à ceux des adultes, attribués à des contacts accrus avec le sol, à des comportements mains-bouche et à des apports alimentaires spécifiques.
Facteurs associés à l'exposition
Les analyses indiquent que l'imprégnation augmente avec la quantité estimée de pesticides épandue et diminue avec l'éloignement par rapport aux vignes. La durée d'aération des logements et le temps passé à l'extérieur ont également été associés, de façon moins marquée, à des niveaux plus élevés de contamination.
Limites de l'étude
- L'étude ne permet pas d'établir un lien causatif entre les niveaux d'imprégnation mesurés et des effets sanitaires cliniques. Aucune analyse de risque sanitaire reposant sur des valeurs toxicologiques de référence n'a encore été réalisée sur l'ensemble des données de PestiRiv.
- Les chercheurs n'ont pas eu accès aux données réelles d'utilisation des produits phytopharmaceutiques et ont dû reconstituer les quantités épandues à partir de méthodes indirectes.
- Les moins de trois ans n'ont pas été inclus en raison de contraintes liées au recueil d'échantillons urinaires. Le nombre insuffisant de viticulteurs et d'ouvriers agricoles participants n'a pas permis d'estimer l'imprégnation spécifique de ces groupes.
- D'autres expositions environnementales (métaux lourds, particules fines, etc.) peuvent contribuer aux niveaux mesurés et compliquent l'interprétation des sources d'exposition.
Recommandations
Les agences signataires formulent des recommandations visant la précaution et l'amélioration des connaissances :
- réduire l'utilisation des produits phytopharmaceutiques au strict nécessaire et favoriser les stratégies de réduction ;
- informer les riverains avant les traitements pour permettre des adaptations comportementales (par exemple limiter l'aération des logements ou le séchage du linge à l'extérieur lors des traitements) ;
- améliorer la transparence des données d'utilisation des produits en créant une base de données nationale centralisée et actualisée sur les produits, les quantités et les périodes d'application ;
- envisager, si pertinent, l'extension des mesures de prévention et de réduction de l'exposition à d'autres cultures que la vigne.
Réactions
Des organisations non gouvernementales ont demandé des mesures supplémentaires, notamment l'élargissement des zones sans traitement et l'accélération des conversions vers des pratiques sans pesticides. Le secteur viticole a mis en avant l'évolution des pratiques et a appelé à des adaptations des formulations de produits par les fabricants.
Conclusion
L'étude PestiRiv fournit une évaluation multi-matrices de l'imprégnation humaine et de la contamination environnementale par des pesticides autour de parcelles de vigne. Elle montre que la proximité des cultures et les périodes de traitement sont associées à des niveaux plus élevés de contamination et d'imprégnation. Les résultats justifient des actions de précaution et des études complémentaires pour préciser les liens entre niveaux d'exposition et risques sanitaires.