Contexte
Le 8 décembre 2025, la filiale française d'Amazon a publié une évaluation selon laquelle les consommateurs français auraient payé « plus de 100 millions d'euros » de frais de port depuis l'entrée en vigueur d'une loi visant à rééquilibrer la concurrence entre la vente en ligne et les commerces physiques du livre. Cette loi, portée par la sénatrice Laure Darcos, est entrée en vigueur en octobre 2023 et prévoit, pour les commandes de livres en dessous de 35 euros, des frais de port fixés à trois euros.
L'estimation d'Amazon
Amazon indique avoir calculé ce montant en « utilisant des données sectorielles et des données internes ». La société a converti cette somme en volumes et en part du chiffre d'affaires : elle évalue l'équivalent de « 12 millions de livres de poche » et près de « 3 % du chiffre d'affaires annuel de l'édition en France ». Dans une tribune, Frédéric Duval, directeur général d'Amazon.fr, a estimé que ces frais auraient pu être« financés davantage de lectures, au bénéfice des éditeurs, des auteurs et de la filière » et a observé que, selon lui, les ventes de livres restaient orientées à la baisse, y compris en librairie.
Réactions des distributeurs et des syndicats
Plusieurs acteurs du secteur (Syndicat de la librairie, Fnac, Cultura et autres distributeurs) ont contesté l'estimation, dénonçant un manque de transparence sur la méthodologie et l'extrapolation des données d'Amazon à l'ensemble du marché. Ils ont qualifié l'annonce d'opération de communication et ont interpellé sur les conséquences possibles d'une remise en cause de la réglementation, évoquant notamment le risque de fermetures de points de vente (chiffre mentionné : plus de 4 700 librairies et commerces).
Les mêmes organisations ont défendu l'efficacité de la loi Darcos, affirmant qu'elle avait contribué à un rééquilibrage du marché avec une progression des parts de marché en volume pour les magasins physiques (2,3 points de part de marché en volume, selon leurs communiqués).
Points de désaccord et interprétations juridiques
Depuis l'entrée en vigueur du texte, des désaccords sont apparus sur son interprétation. Début 2025, Amazon a soutenu qu'une disposition lui permettait de livrer gratuitement dans des casiers (« lockers ») installés dans des commerces vendant des livres. En mai 2025, le Médiateur du livre, autorité publique indépendante, a estimé que cette pratique constituait un contournement de la loi.
Amazon a par la suite proposé, en octobre, une remise de 5 % sur les livres commandés sur son site et livrés en point relais situé dans un commerce vendant des livres, rappelant que ce taux correspond au maximum autorisé par la réglementation sur le prix unique du livre.
Données et méthodologie contestées
Les éléments chiffrés fournis par Amazon reposent, selon l'entreprise, sur un croisement de données sectorielles et de données internes. Les distributeurs et syndicats ont questionné la représentativité et la transparence de cette approche, estimant que l'extrapolation des données d'un acteur du marché à l'ensemble du secteur nécessitait des éléments méthodologiques complémentaires pour être vérifiée.
Situation actuelle
La question des frais de port et de l'application de la loi Darcos demeure au centre de tensions entre acteurs en ligne et distributeurs physiques. Les parties continuent d'échanger sur l'interprétation et la mise en œuvre des dispositions, en s'appuyant sur des arguments chiffrés et juridiques divergents.








