Contexte et objet
Le 8 décembre 2025, la ministre de l'Agriculture a lancé au Marché international de Rungis une série de conférences intitulée « Grand réveil alimentaire ». L'objectif affiché est d'élaborer une stratégie nationale de production et de transformation agricole sur dix ans, destinée à renforcer la souveraineté alimentaire de la France.
Discours de la ministre et principales constatations
La ministre a présenté un diagnostic portant sur plusieurs facteurs susceptibles d'affecter la production et l'approvisionnement alimentaires : l'évolution des financements publics internationaux, la volatilité des prix, le niveau des charges, le changement climatique, la démographie des actifs agricoles et l'évolution des modes de consommation. Elle a pointé une intensification de la concurrence internationale et appelé à des mesures pour réduire la dépendance aux importations.
Elle a proposé plusieurs pistes : la création d'un fonds destiné à soutenir la « souveraineté agricole », des mesures pour privilégier l'achat de produits français dans les marchés publics et la possibilité d'interdire l'importation de produits contenant des substances interdites en droit européen lorsque les règles nationales le permettent.
Organisation et méthode des conférences
Le chantier annoncé s'organise par filières et à l'échelle régionale. Des groupes de travail sectoriels (cultures, viandes blanches, viticulture, etc.) associeront interprofessions, acteurs de la production, opérateurs de la transformation, FranceAgriMer et organismes de recherche. Ludovic Spiers, ancien dirigeant de coopérative agricole, a été nommé coordinateur général du dispositif. Un point d'étape est prévu en février lors du Salon de l'agriculture et les conclusions sont attendues en juin 2026.
Les travaux doivent prendre en compte des objectifs nationaux de nutrition et de climat et viser l'identification de projets structurants et de trajectoires de production à dix ans, en tenant compte de la demande des consommateurs.
Données économiques et enjeux commerciaux
Les exposés présentés lors du lancement ont souligné une inversion récente de la balance commerciale agricole, avec un passage d'un excédent à un déficit sur les derniers mois de 2025. Des chiffres cités indiquent des niveaux importants d'importation pour certaines catégories : parts significatives des fruits et légumes, part notable de la volaille et d'autres viandes. Les intervenants ont également évoqué des évolutions des soutiens publics à l'agriculture dans d'autres grandes puissances agricoles.
La question des accords commerciaux internationaux, en particulier l'accord UE‑Mercosur, a été mentionnée comme facteur de concurrence sur les marchés agricoles et agroalimentaires.
Réactions des syndicats et acteurs agricoles
La mobilisation des syndicats a été contrastée lors du lancement. Le principal syndicat agricole a indiqué qu'il participerait aux travaux mais a décidé de ne pas assister au lancement, estimant que l'événement avait un caractère symbolique et que les priorités devaient porter sur des mesures concrètes pour assurer des revenus aux exploitations.
La Coordination rurale a annoncé un boycott total des conférences et demandé des décisions opérationnelles rapides plutôt que des consultations. La Confédération paysanne a exprimé une conception différente de la souveraineté, insistant sur la capacité d'une société à choisir ses modes de production et ses modèles agricoles.
Les Jeunes agriculteurs ont participé au lancement et demandé une déclinaison opérationnelle rapide des travaux.
Actions et tensions sur le terrain
Des actions de protestation ont eu lieu dans plusieurs régions. En Lozère, une manifestation a conduit à l'accrochage d'un cercueil symbolique sur la grille de la préfecture pour dénoncer des mesures d'abattage et, plus largement, une politique sanitaire et commerciale perçue comme défavorable par certains éleveurs. Des mobilisations ont été annoncées au niveau national et européen, dont une manifestation prévue à Bruxelles contre l'accord UE‑Mercosur.
Position des acteurs de la distribution
Des représentants de la distribution ont commenté les enjeux liés au pouvoir d'achat des consommateurs et à la concurrence des plateformes internationales. Ils ont plaidé pour des règles de réciprocité et des mécanismes de régulation adaptés aux importations afin de préserver la compétitivité des filières locales, tout en rappelant l'importance des négociations commerciales et de l'adaptation des circuits de vente.
Perspectives
Les conférences visent à produire, sur plusieurs mois, des propositions de trajectoires de production et de transformation. Les filières attendent des décisions opérationnelles sur des plans de souveraineté déjà engagés dans certains secteurs (fruits et légumes, blé dur, viande). Les groupes sectoriels devront articuler contraintes climatiques, exigences sanitaires et objectifs économiques pour formuler des propositions destinées à être mises en œuvre par les acteurs publics et privés.








