À partir du 1er janvier 2027, toutes les entreprises belges devront mettre à disposition de leurs travailleurs un système permettant d’enregistrer le temps de travail presté. Cette mesure, adoptée par le gouvernement en marge de l’accord budgétaire de novembre 2025, vise à garantir le respect des règles relatives au temps de travail et à transposer les exigences dégagées par la jurisprudence européenne.
Contexte juridique
La mesure s’inscrit dans l’application d’une directive européenne sur le temps de travail et dans la dynamique née de l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) rendu en 2019. Dans cette affaire impliquant l’Espagne, la Cour a estimé nécessaire la mise en place d’un enregistrement préalable du temps de travail afin d’assurer l’effectivité des droits prévus par la directive. La CJUE a exigé un système "objectif, fiable et accessible" sans imposer une technologie ou une méthode précise, laissant aux États membres une marge de manœuvre quant aux modalités.
Après cet arrêt, plusieurs États membres ont introduit une obligation légale d’enregistrement du temps de travail. La décision prise par le gouvernement belge vise à aligner la législation nationale sur cette exigence, en privilégiant une approche fonctionnelle plutôt qu’une prescription technologique.
Modalités prévues et mise en œuvre
La règle impose aux employeurs de fournir un dispositif permettant à chaque membre du personnel d’enregistrer le nombre d’heures prestées. Le texte ministériel privilégie des objectifs de résultat : le système doit être objectif, fiable et accessible. Il ne prescrit pas une technologie précise, laissant le choix entre des solutions analogiques ou numériques adaptées à la taille et aux activités de l’entreprise.
Les modalités opérationnelles — types d’outils acceptés, modalités de conservation des données, garanties de protection de la vie privée, contrôles et sanctions — devront être précisées lors de la transposition et par des arrêtés d’exécution. Ces précisions détermineront concrètement les obligations des employeurs et les droits des travailleurs.
Données et perceptions des utilisateurs
Une enquête en ligne réalisée par l’institut iVOX auprès de 1 000 employés belges francophones entre le 18 février et le 10 mars 2025 apporte des indications sur les pratiques et les perceptions :
- 53 % des répondants déclarent déjà encoder leurs heures.
- Parmi eux, 57 % estiment que ce suivi aide à mieux séparer travail et vie privée.
- 35,7 % des travailleurs indiquent avoir tendance à dépasser leur quota d’heures ; cette proportion monte à 47,2 % chez les télétravailleurs réguliers et tombe à 22,8 % parmi ceux qui travaillent exclusivement sur site.
- Par tranche d’âge, 68,6 % des moins de 35 ans jugent important de disposer d’un système d’enregistrement, contre 53,9 % des 35-54 ans et 40,3 % des plus de 55 ans.
- En matière d’outils, à domicile 51 % utilisent un logiciel sur ordinateur, 24,6 % une application mobile et 18,8 % un fichier Excel ; au bureau la pointeuse d’accès est citée par 48,9 % et le logiciel sur PC par 27,5 %.
- Parmi les personnes qui enregistrent leurs heures, 66,4 % perçoivent des avantages, 13 % se déclarent sceptiques et 20,6 % restent réservées.
L’entreprise Protime, spécialisée dans les systèmes d’enregistrement du temps, indique disposer de plus de 5 000 installations en Europe et considère que l’obligation pourrait accélérer la diffusion de ces outils.
Effets attendus et points en suspens
Les objectifs annoncés comprennent la garantie de l’application des règles du temps de travail et la détection de surcharges de travail. L’enregistrement systématique doit permettre d’identifier des pics d’activité, d’évaluer la charge de travail et d’engager des mesures d’ajustement lorsque nécessaire.
Plusieurs aspects restent à préciser au moment de la transposition : la définition précise des exigences techniques et organisationnelles, les modalités de conservation et de protection des données personnelles, les garanties contre un usage de surveillance généralisée et les modalités de contrôle et de sanction. Ces éléments conditionneront les modalités pratiques d’application pour les entreprises et les droits des salariés.








