Contexte et examen de la loi Duplomb
La loi Duplomb, adoptée par le Parlement au début du mois de juillet, visait à répondre à des revendications agricoles en proposant notamment la réintroduction, sous conditions, de l’acétamipride, un pesticide de la famille des néonicotinoïdes interdit en France depuis 2018. Ce projet de loi prévoyait également des simplifications administratives pour les grandes exploitations d’élevage et facilitait la construction d’ouvrages de stockage d’eau à finalité agricole.
Le texte a suscité un important mouvement de protestation, marqué par une pétition réunissant plus de deux millions de signatures et des manifestations dénonçant le retour de ce pesticide considéré comme présentant des risques pour la biodiversité et la santé humaine. Des sociétés savantes et des organisations écologistes ont également appelé à la censure de la loi, invoquant la Charte de l’environnement, à valeur constitutionnelle en France.
Saisine et décision du Conseil constitutionnel
Le Conseil constitutionnel, saisi en particulier par des groupes parlementaires de gauche, devait se prononcer sur la conformité de plusieurs dispositions de la loi, dont son article central relatif à la réintroduction de l’acétamipride. Cette mesure prévoyait des dérogations en cas de « menace grave compromettant la production agricole », sans limitation stricte dans le temps ou par filière, contrairement à une précédente dérogation temporaire validée en 2020 pour la filière betteravière.
Le 7 août 2025, le Conseil constitutionnel a censuré la réintroduction de l’acétamipride, estimant que, « faute d’encadrement suffisant », la disposition méconnaissait le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé, garanti par l’article 1er de la Charte de l’environnement. Les Sages ont souligné que ce pesticide, bien qu’autorisés ailleurs en Europe, présente des incidences sur la biodiversité, notamment sur les insectes pollinisateurs et les oiseaux, ainsi que des risques pour la santé humaine.
En revanche, le Conseil constitutionnel a validé les autres mesures de la loi, y compris les simplifications administratives pour les grands élevages et l’assouplissement des procédures relatives aux ouvrages de stockage d’eau, sous réserve de certaines conditions. Concernant cette dernière mesure, il a précisé que la présomption d’intérêt général ne devait pas permettre de prélèvements dans des nappes phréatiques inertielles et que de telles décisions doivent rester contestables devant un juge.
Procédure parlementaire et réaction des parties prenantes
La procédure d’adoption du texte avait également été contestée, notamment en raison de l’usage d’une motion de rejet préalable pour éviter l’examen d’amendements. Le Conseil constitutionnel a jugé que cette démarche était conforme à la Constitution, considérant qu’elle ne portait pas atteinte au droit d’amendement ni à la clarté et à la sincérité du débat parlementaire.
À la suite de la décision du Conseil constitutionnel, le président de la République a annoncé qu’il promulguerait la loi dans la version résultant de la censure, dans les délais impartis. Tandis que certaines organisations et syndicats agricoles ont exprimé leur opposition à la censure de l’acétamipride, d’autres groupes, notamment les organisations écologistes et certains partis politiques, ont salué la décision comme un renforcement de la protection environnementale constitutionnelle.
Autres textes examinés
Le même jour, le Conseil constitutionnel a également validé la réforme du scrutin municipal des grandes villes (Paris, Lyon, Marseille) et la loi de refondation de Mayotte, tout en censurant l’allongement de la durée de rétention administrative de certains étrangers. Ces décisions s’inscrivent dans un contexte de débats intenses sur les politiques environnementales et agricoles, ainsi que sur la protection des droits fondamentaux liés à l’environnement en France.