Contexte
Meta, maison-mère de Facebook et d'Instagram, a été poursuivie par plusieurs médias espagnols pour pratique commerciale et traitement des données personnelles. La plainte a été déposée notamment par des éditeurs membres de l'Association des médias d'information (AMI) qui contestent l'utilisation, sans consentement, des données des internautes pour la création de profils publicitaires individualisés.
Procès et condamnation
Le tribunal de commerce de Madrid a rendu un jugement au mois de novembre concernant ces procédures collectives. Le tribunal a condamné Meta à verser 479 millions d'euros à 87 éditeurs de presse numérique et agences de presse membres de l'AMI pour concurrence déloyale liée, selon la décision, à des violations du Règlement général sur la protection des données (RGPD).
La décision prévoit en outre plus de 60 millions d'euros au titre des intérêts légaux et l'indemnisation de l'agence Europa Press, qui n'était pas membre de l'AMI. Des montants supplémentaires ont été attribués à d'autres plaignants individuels, notamment Radio Blanca.
Meta a annoncé son intention de faire appel, qualifiant le jugement d"infondé" et affirmant respecter la législation en vigueur ainsi que proposer des outils de contrôle aux utilisateurs.
Allégations et défense
Les plaignants ont soutenu, au cours du procès, que Meta avait pratiqué un profilage massif du comportement des internautes sans information ni consentement, ce qui lui aurait permis de vendre de la publicité segmentée à un avantage concurrentiel au détriment des médias qui appliquaient la réglementation sur la vie privée.
Les représentants de Meta en Espagne ont plaidé que la valeur publicitaire reposait davantage sur des algorithmes et des mécanismes de pertinence des annonces que sur les seules données brutes des utilisateurs.
Évaluation du préjudice
Selon le communiqué du tribunal, Meta n'a pas fourni au tribunal les comptes de ses activités en Espagne. Le juge s'est appuyé sur des données fournies par la presse numérique espagnole et a estimé que, pendant la période considérée, Meta avait réalisé en Espagne plus de 5,281 milliards d'euros de chiffre d'affaires lié à son activité publicitaire en ligne.
Le tribunal a évalué le manque à gagner subi par les autres acteurs du marché publicitaire espagnol en raison des actions retenues contre Meta et a chiffré le préjudice à 479 millions d'euros pour l'AMI, 2,57 millions d'euros pour Europa Press et 13 563 euros pour Radio Blanca.
La période retenue par le tribunal pour l'infraction s'étend, selon la décision, du 25 mai 2018, date d'entrée en vigueur du RGPD, au 1er août 2023, date à laquelle Meta aurait proposé aux utilisateurs de donner ou non leur consentement.
Réactions et suites institutionnelles
Reporters sans frontières (RSF) a réagi en soulignant le déséquilibre entre plateformes et médias d'information et en estimant que la décision ouvre des voies d'action contre la concurrence déloyale des plateformes en Europe.
Le tribunal a indiqué qu'une plainte similaire était en cours en France.
Le Premier ministre espagnol a annoncé l'ouverture d'une enquête parlementaire et la convocation prochaine de dirigeants de Meta au Parlement pour examiner d'éventuelles violations de la vie privée reposant, selon l'annonce, sur un système dissimulé sur des dispositifs Android.
Parties concernées
Parmi les membres de l'AMI figurent Prisa (éditeur d'El País et d'AS), Godó (La Vanguardia, Mundo Deportivo), Unidad Editorial (El Mundo, Marca) et Vocento (éditeur d'ABC). Europa Press et Radio Blanca figurent parmi d'autres plaignants mentionnés dans la décision.








