Résumé
Le tribunal judiciaire de Paris a reconnu la responsabilité de l'État pour faute lourde dans la conduite de l'enquête sur la disparition d'Estelle Mouzin. La décision, rendue le 3 septembre 2025, retient notamment un manque de moyens humains et des dysfonctionnements dans le traitement du dossier. Le tribunal a condamné l'État à verser 50 000 euros au titre du préjudice moral à Éric Mouzin, père de la fillette.
Disparition et premières investigations
Le 9 janvier 2003, Estelle Mouzin, alors âgée de neuf ans, a disparu alors qu'elle rentrait de l'école à Guermantes (Seine-et-Marne). Des recherches et des investigations judiciaires ont été engagées dès sa disparition. La piste de Michel Fourniret a été envisagée dans les premiers temps de l'enquête, avant d'être écartée par certains services puis réexaminée des années plus tard.
Déroulement judiciaire et éléments nouveaux
Plusieurs magistrats se sont succédé au cours de l'instruction. Le tribunal a relevé la succession de dix magistrats instructeurs, dont certains ont exercé pour de courtes périodes. Pendant une période de neuf ans, le dossier n'était pas coté selon le système de classement des pièces, ce qui a retardé l'accès complet à la procédure pour la partie civile jusqu'en 2012. En 2017, la juge Sabine Khéris a repris l'enquête ; en 2020 elle a obtenu la reconnaissance par Michel Fourniret de son rôle dans la mort d'Estelle Mouzin. Michel Fourniret est décédé en 2021. En décembre 2023, Monique Olivier a été condamnée à la réclusion criminelle à perpétuité pour complicité dans plusieurs enlèvements et meurtres, dont celui d'Estelle Mouzin.
Requête civile et décision du tribunal
Éric Mouzin a assigné l'État en 2018 pour faute lourde et déni de justice, contestant la conduite et la gestion de l'enquête. Il réclamait des sommes au titre des préjudices matériel, financier et moral. Le tribunal judiciaire de Paris a estimé que le manque de moyens humains, les dysfonctionnements organisationnels et l'absence de synthèses procédurales constituaient une faute lourde engageant la responsabilité de l'État. La demande d'indemnisation pour préjudice matériel a été rejetée ; le tribunal a accordé 50 000 euros au titre du préjudice moral.
Constats du tribunal
Le jugement mentionne plusieurs constats factuels : cotation tardive et peu intelligible des pièces du dossier, difficultés d'accès à la procédure pour la partie civile pendant plusieurs années, et absence de coordination suffisante entre magistrats et services en charge de disparitions. Le tribunal a souligné que ces facteurs ont rendu plus difficile l'appréhension d'un dossier de grande ampleur.
Positions exprimées lors de la procédure
Au cours des audiences, le procureur a reconnu des manquements du service public de la justice à l'égard de la partie civile mais a estimé qu'il n'était pas établi d'un lien de causalité direct entre la faute lourde et l'absence de mise en examen de Michel Fourniret. L'avocat d'Éric Mouzin a soutenu que l'enquête aurait pu être orientée plus tôt vers Fourniret et que cela aurait pu empêcher d'autres crimes.
Conséquences et points non résolus
La décision civile constitue une reconnaissance des défaillances dans la conduite de l'enquête par les autorités judiciaires. Le corps d'Estelle Mouzin n'a pas été retrouvé à ce jour. La condamnation de l'État porte sur la responsabilité civile pour les manquements relevés et non sur des poursuites pénales nouvelles à l'encontre d'agents publics. Le recours éventuel contre cette décision et ses suites judiciaires pourra être engagé selon les voies de droit prévues.
Chronologie essentielle
- Disparition : 9 janvier 2003.
- Accès complet à la procédure pour la partie civile : 2012.
- Reprise de l'enquête par la juge Sabine Khéris : 2017.
- Reconnaissance du rôle de Michel Fourniret : 2020.
- Décès de Michel Fourniret : 2021.
- Condamnation de Monique Olivier : décembre 2023.
- Décision reconnaissant la faute lourde de l'État : 3 septembre 2025.
Éléments en attente
Le dossier conserve des éléments non résolus, dont la localisation du corps d'Estelle Mouzin. La décision civile a porté sur la réparation du préjudice moral du père et sur la qualification des manquements du service public dans la gestion de l'enquête. D'éventuelles recommandations de procédure ou modifications organisationnelles relèvent des autorités compétentes et de décisions ultérieures.