Résumé de la décision
La cour d'appel de Paris a, dans deux affaires distinctes, reconnu des liens de filiation pour des enfants conçus par procréation médicalement assistée (PMA) post-mortem à l'étranger. Dans le premier dossier, la filiation a été établie au nom du droit au respect de la vie privée de l'enfant. Dans le second dossier, la cour a indirectement reconnu la filiation en reconnaissant aux enfants un droit à la succession.
Contexte factuel et juridique
Les enfants concernés sont nés à la suite d'une PMA réalisée en Espagne, État où la PMA post-mortem est autorisée sous réserve d'un consentement exprimé du vivant du géniteur. En droit français, la PMA post-mortem est empêchée par les dispositions du Code de la santé publique qui font du décès d'un membre du couple un obstacle à la poursuite d'une insémination ou d'un transfert d'embryon.
La cour d'appel a retenu que, dans les circonstances des affaires examinées, le refus d'établir la filiation en première instance constituait une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée des enfants concernés. Par ailleurs, elle a estimé que priver ces enfants de la qualité d'ayants droit au regard de la succession reviendrait à leur appliquer un traitement inégal injustifié comparé à d'autres descendants.
Enjeux successoraux et d'état civil
Sur le plan successoral, la décision met en tension la cohérence entre l'interdiction en droit interne de la PMA post-mortem et la protection des droits des enfants nés de telles pratiques à l'étranger. La cour a considéré que l'application automatique d'une exclusion successorale n'était pas compatible avec le principe d'égalité des enfants devant la succession.
D'un point de vue administratif, la reconnaissance de la filiation soulève des questions pratiques : modalités d'inscription des actes d'état civil, reconnaissance des filiations établies à l'étranger, transmission du nom et conséquences sur les droits sociaux et patrimoniaux.
Cadre législatif et avis éthiques
La législation française a, dans ses révisions successives, maintenu l'interdiction de la PMA post-mortem. Le Conseil consultatif national d'éthique (CCNE) s'est montré prudent dans ses avis antérieurs : il a déconseillé l'utilisation de gamètes sans garanties de consentement explicite mais a pu envisager, sous conditions strictes (consentement exprimé de la personne décédée et accompagnement médical et psychologique), le transfert d'embryon après décès.
Par ailleurs, la Cour européenne des droits de l'homme a laissé une marge d'appréciation aux États sur ces questions tout en invitant à un examen attentif de la cohérence du régime juridique face à l'évolution des techniques de procréation assistée.
Réactions et suites possibles
Des associations de défense des droits en matière de procréation et plusieurs parlementaires ont réagi à ces décisions, soulignant l'impact concret pour les enfants et les familles et appelant à une clarification législative. Des propositions de loi ont été déposées pour encadrer la PMA post-mortem et préciser les conditions de reconnaissance de la filiation et d'accès aux droits patrimoniaux.
Perspectives
Ces arrêts invitent les autorités législatives et administratives à préciser les règles applicables afin d'assurer la protection effective des droits des enfants nés par PMA post-mortem à l'étranger, tout en préservant les principes éthiques et sanitaires qui fondent le droit français. Le contentieux futur et les initiatives parlementaires détermineront la cohérence entre droit interne et situations transfrontalières.