Contexte
La transformation du modèle de distribution de Carrefour inclut depuis 2017 un recours accru à la franchise et à la location-gérance. La location-gérance est une variante de la franchise dans laquelle l’enseigne reste propriétaire du fonds de commerce tandis qu’un exploitant indépendant assure l’exploitation du magasin.
Évolutions du modèle et modalités
Selon les éléments présentés dans les procédures, le groupe a recours à ces dispositifs pour préserver sa part de marché et limiter l’impact comptable des magasins déficitaires en transférant à des exploitants indépendants certains coûts d’exploitation. Les salariés des magasins concernés conservent des éléments visibles d’appartenance à l’enseigne, mais, après un délai de 15 mois pendant lequel peut être négocié un accord de substitution, certains avantages sociaux peuvent être modifiés. La CFDT a estimé que ces modifications pouvaient représenter une perte supérieure à 2 500 euros par an pour les salariés affectés.
Chiffres cités
La CFDT a indiqué que, depuis 2018, 344 supermarchés et hypermarchés sont passés en location-gérance, touchant plus de 27 000 salariés.
Procédures engagées
La Fédération des services CFDT a assigné Carrefour en mars 2024 au tribunal judiciaire d’Évry, réclamant notamment 23 millions d’euros d’indemnisation et la cessation des transferts en location-gérance, au motif d’un « plan social déguisé » et de pratiques abusives. Parallèlement, l’Association des franchisés Carrefour (AFC) a saisi fin 2023 le tribunal de commerce de Rennes, dénonçant une relation commerciale déséquilibrée. Le ministère de l’Économie s’est associé à certaines procédures et a préconisé, dans ce dossier, l’infliction d’une amende de 200 millions d’euros.
Décision judiciaire et suite
Le tribunal judiciaire d’Évry a rendu une décision le 21 novembre 2025. Il a débouté la CFDT de l’ensemble de ses demandes, estimant que le syndicat ne démontrait pas de manière suffisamment probante l’existence d’un abus de droit à la liberté d’entreprendre de la part du groupe. Le tribunal a par ailleurs relevé l’existence de négociations ayant précédé et accompagné les passages en location-gérance et en franchise, et considéré que le lien, invoqué par la CFDT, entre ces changements et une dégradation des conditions de travail ou le développement de risques psychosociaux n’était pas démontré de façon circonstanciée et objective.
Carrefour a indiqué que la décision confirmait la légalité du recours à la location-gérance et à la franchise et que ces passages pouvaient se poursuivre en 2026. La CFDT a annoncé son intention de former appel de ce jugement et de poursuivre les actions en défense des droits des salariés.
Autres éléments contemporains
Parmi les développements d’ordre économique, le groupe a annoncé l’entrée à son capital, à hauteur de 4 %, de la famille Saadé, propriétaire de l’armateur CMA CGM, devenue deuxième actionnaire.
Positions des parties
- CFDT : conteste la multiplication des passages en location-gérance, qualifie la pratique de « plan social déguisé » et demande réparation financière et l’arrêt des transferts.
- Carrefour : soutient que la location-gérance et la franchise sont des mécanismes légaux permettant de préserver des magasins et des emplois dans un contexte concurrentiel et met en avant l’existence de négociations locales autour des transferts.
- AFC et ministère de l’Économie : ont engagé des procédures distinctes portant sur l’équilibre des relations commerciales entre l’enseigne et ses franchisés, avec une proposition d’amende formulée par le ministère.
Suites possibles
La procédure d’appel engagée par la CFDT prolonge le contentieux judiciaire relatif à la politique de développement par la franchise et la location-gérance du groupe. D’autres actions en justice, notamment celles initiées par des franchisés ou soutenues par l’administration, peuvent influencer ultérieurement les modalités d’organisation commerciale du groupe.








