Douze fédérations professionnelles et une centaine d'enseignes ont annoncé, le 19 novembre 2025, qu'elles engageaient une action en justice contre la plateforme SHIEN pour concurrence déloyale afin d'obtenir la réparation des préjudices qu'elles lui attribuent.
Parties et objet de la procédure
Les organisations plaignantes comprennent le Conseil du commerce de France (CDCF) et plusieurs fédérations sectorielles : Fédération du Commerce et de la Distribution (FCD), Alliance du commerce, FFPAPF, Ufimh, UIT, Fédération de la maille, de la lingerie et du balnéaire, BOCI, UBH, FCJPE, FFF et Fevad. Parmi les enseignes ayant rendu publique leur participation figurent la Coopérative U, Promod, Monoprix, Grain de Malice et Besson.
Les plaignants ont indiqué qu'ils recourent aux services du cabinet Bruzzo Dubucq, représenté notamment par Me Cédric Dubucq. Ils demandent la reconnaissance d'un préjudice économique, l'octroi de dommages et intérêts proportionnés aux pertes alléguées et la cessation des pratiques qu'ils qualifient de déloyales.
Allégations formulées par les plaignants
Les fédérations et enseignes allèguent que le modèle commercial de Shein repose sur des pratiques ne respectant pas les obligations applicables aux acteurs implantés en France. Elles citent plusieurs types d'irrégularités :
- le recours à des traceurs ou cookies sans consentement, constaté selon elles par une décision de la CNIL ;
- des annonces commerciales et des promotions qualifiées de trompeuses, notamment des réductions présentées comme systématiques, ainsi que des constats d'anomalies tarifaires relevés par la DGCCRF, laquelle a infligé une amende administrative ;
- l'importation et la mise en circulation de produits jugés non conformes aux normes européennes, sur la base d'opérations de contrôle citées par les plaignants ;
- des pratiques d'optimisation des envois (fragmentation de commandes et division en colis de faible valeur) susceptibles, selon eux, de réduire l'assujettissement à certaines taxes et contrôles douaniers.
Les plaignants estiment que ces éléments constituent des pratiques structurelles ayant contribué à la croissance de la plateforme au détriment des acteurs locaux.
Procédure judiciaire et calendrier
La procédure collective engagée par les fédérations a été déposée devant le tribunal de commerce d'Aix-en-Provence. Les fédérations ont indiqué qu'elles interviendraient volontairement lors d'une audience de mise en état prévue le 12 janvier. Cette intervention s'inscrit, selon elles, dans le cadre d'une procédure déjà engagée par le liquidateur d'une enseigne locale contre des filiales de Shein.
Par ailleurs, d'autres procédures en cours mentionnent des audiences devant le tribunal judiciaire de Paris, au cours desquelles des mesures provisoires, telles qu'une suspension temporaire de la plateforme, peuvent être examinées.
Les avocats des plaignants ont précisé que le calendrier détaillé des audiences et de la mise en débat des demandes de dommages et intérêts pourrait s'étendre sur plusieurs mois, et que des chiffrages des préjudices sont en cours pour chaque entreprise participante.
Réponse de Shein
La plateforme a réagi en qualifiant l'action d'« infondée » et en estimant qu'elle s'apparente davantage à une tentative de boycott qu'à une démarche juridique. Elle a déclaré que cette démarche s'écarte, selon elle, de l'esprit du droit français et européen de la concurrence, lequel vise à protéger l'innovation et le libre choix des consommateurs. Shein a également exprimé sa préférence pour un dialogue plutôt que pour une confrontation judiciaire.
Enjeux déclarés
Les fédérations et enseignes affirment que la présence de pratiques supposées illicites nuit à l'activité commerciale et à l'emploi en France et demandent la réparation des pertes économiques subies. Elles estiment que les chiffrages des préjudices pourront atteindre des montants importants et soulignent que la procédure vise à rétablir des conditions de concurrence fondées sur le respect du droit applicable.
La procédure suit plusieurs volets administratifs et judiciaires antérieurs et parallèles, et son issue dépendra des décisions des juridictions saisies et des éléments de preuve produits par les parties.








