Contexte
La plateforme d'e-commerce Shein a ouvert son premier magasin physique en France début novembre. Peu après cette ouverture, des annonces de produits retirés de la vente ont été signalées sur le site français, notamment des poupées à apparence enfantine et des armes relevant de catégories soumises à réglementation.
Mesures administratives et réaction de la plateforme
Le 5 novembre, le ministère a indiqué avoir demandé le retrait de certains produits et a donné à la société un délai de 48 heures pour se conformer. En réponse, Shein a suspendu temporairement la commercialisation par des vendeurs tiers sur sa place de marché en France et a limité les ventes hors habillement sur le site français.
Procédure judiciaire en référé devant le tribunal judiciaire de Paris
L'État a engagé une assignation en référé devant le tribunal judiciaire de Paris, en se fondant sur l'article 6-3 de la loi pour la confiance dans l'économie numérique (LCEN). Lors d'une audience tenue le mercredi 26 novembre, le gouvernement a demandé la suspension de l'ensemble du site français pour une durée d'au moins trois mois et la fixation de conditions pour autoriser une éventuelle réouverture, sous le contrôle de l'ARCOM.
Le juge des référés est compétent pour ordonner des mesures destinées à prévenir ou faire cesser un dommage lié au contenu d'un service de communication en ligne. Il peut ordonner des mesures techniques (par exemple le blocage par les opérateurs), prononcer des astreintes destinées à contraindre le respect d'obligations, ou imposer d'autres mesures nécessaires. La décision, attendue dans les jours qui suivent l'audience, pourra être frappée d'appel.
Enquêtes et procédures complémentaires
Parallèlement à la procédure en référé, le parquet de Paris a ouvert une enquête impliquant l'Office des mineurs concernant la diffusion présumée de contenu à caractère pédopornographique. D'autres enquêtes judiciaires ont été signalées ou ouvertes à l'encontre de plusieurs plateformes d'e-commerce (AliExpress, Joom, Temu, Wish, eBay) à la suite de signalements du gouvernement. Des voies administratives susceptibles de conduire à des déréférencements ou à des restrictions d'accès ont également été engagées.
Une coalition de fédérations du commerce a saisi la justice pour des motifs économiques, notamment pour concurrence déloyale.
Enjeux juridiques et techniques d'exécution des décisions
Le gouvernement soutient que certains manquements observés seraient répétés et systémiques. Les autorités demandent que toute réouverture éventuelle soit subordonnée à un contrôle par l'ARCOM afin de vérifier la mise en place de dispositifs de prévention et de filtrage.
Les mesures d'exécution technique, telles que le blocage par les fournisseurs d'accès à Internet, peuvent être contournées par des outils comme les réseaux privés virtuels (VPN). Les juridictions disposent toutefois d'outils complémentaires (astreintes, injonctions de mise en conformité) pour renforcer l'application des décisions.
Volet européen
La France a indiqué vouloir mobiliser des instruments au niveau de l'Union européenne, en particulier le Digital Services Act (DSA), qui prévoit des sanctions pouvant atteindre jusqu'à 6 % du chiffre d'affaires mondial pour les très grandes plateformes en cas de violations graves et répétées. Le gouvernement milite également pour une activation plus rapide de certains leviers européens, notamment sur la taxation des petits colis.
Une résolution non contraignante a été soumise au Parlement européen demandant à la Commission de renforcer sa réaction face aux pratiques des plateformes. Des auditions de dirigeants de Shein sont programmées au sein d'instances nationales et européennes.
Suites possibles
Selon les éléments présentés devant le tribunal, la décision de suspendre temporairement le site, d'imposer des conditions de réouverture ou d'ordonner d'autres mesures reste à la discrétion du juge des référés. Les recours juridictionnels et les procédures administratives et pénales en cours peuvent conduire à des décisions complémentaires.
Les investigations et actions en cours contre plusieurs plateformes montrent que les autorités combinent dispositifs judiciaires, administratifs et européens pour traiter la question de la vente de produits illicites en ligne.








