Verdict et condamnation
Le 18 octobre 2025, un jury populaire à New York a reconnu BNP Paribas complice d'exactions commises au Soudan, en retenant que la banque avait organisé des transactions commerciales dont les recettes avaient profité à l'armée et à des milices liées au régime d'Omar el-Béchir. Le jury a attribué aux trois plaignants un total de 20,75 millions de dollars de dommages et intérêts.
Plaignants et faits allégués
Les plaignants sont trois ressortissants soudanais, désormais citoyens américains, deux hommes et une femme sans lien familial entre eux. Ils ont affirmé avoir été détenus, torturés, battus, brûlés avec des cigarettes, lacérés au couteau et, pour l'une d'entre elles, violés à de multiples reprises par des membres des forces soudanaises et des milices Janjawid, et avoir vu leurs biens volés ou détruits. Ces trois dossiers faisaient partie d'un ensemble de plaintes déposées aux États-Unis ; ces trois cas avaient été sélectionnés par le juge parmi des milliers de plaintes.
Rôle allégué de BNP Paribas
Le procès a porté sur la fourniture par BNP Paribas de lettres de crédit et d'autres services bancaires dans le cadre de contrats commerciaux (import-export) pour des opérations menées au Soudan. L'accusation a soutenu que ces services ont permis au gouvernement soudanais de mobiliser des recettes utilisées par l'armée et des milices. Les montants attribués aux plaignants sont répartis comme suit : 7,3 millions de dollars pour Entesar Osman Kasher, 6,7 millions pour Abulgasim Suleman Adballa et 6,75 millions pour Turjuman Ramadan Turjuman.
Défense et suite juridique
BNP Paribas a contesté la décision, soutenant que sa responsabilité n'avait pas été démontrée et que le régime soudanais aurait commis les mêmes exactions indépendamment de la fourniture des services bancaires. La banque a indiqué qu'elle entendait interjeter appel. Le procès a été jugé en vertu du droit suisse, en raison du rattachement de l'activité soudanaise à une filiale basée à Genève.
Contexte et éléments antérieurs
BNP Paribas a été active au Soudan de la fin des années 1990 à 2009. En 2014, la banque avait conclu un accord avec les autorités américaines et admis des opérations en dollars avec le Soudan, l'Iran et Cuba entre 2002 et 2012 ; cette procédure avait donné lieu au paiement d'une amende et de mesures de réparation financières. Des documents et témoignages présentés au procès indiquent que la banque aurait été la principale institution bancaire opérant au Soudan pendant plusieurs années et qu'elle aurait participé à des transactions importantes entre 2002 et 2009.
Sur le plan du contexte humanitaire et politique, des estimations des Nations unies sur la période 2002-2008 font état d'un nombre important de victimes et de déplacés liés au conflit au Darfour. Omar el-Béchir a dirigé le Soudan de 1989 à 2019 et a été visé par des mandats d'arrêt de la Cour pénale internationale pour des chefs graves.
Perspectives
Les avocats des plaignants ont indiqué que la décision pourrait ouvrir la voie à d'autres procédures similaires aux États-Unis. BNP Paribas a annoncé son intention d'exercer les voies de recours disponibles.