Verdict judiciaire
Le tribunal judiciaire de Strasbourg a condamné la Caisse nationale de l'assurance maladie (Cnam) pour homicide involontaire, suivant les réquisitions du procureur. La juridiction a prononcé une amende à l'encontre de l'employeur en lien avec les circonstances entourant le suicide d'une médecin-conseil sur son lieu de travail.
Contexte professionnel
Les médecins-conseil de la Sécurité sociale exercent des missions de contrôle et d'expertise, notamment la vérification des arrêts de travail et la reconnaissance des maladies professionnelles. Une réorganisation interne, dénommée Smmop (Service médical management organisation performance) mise en place en 2019, ainsi que l'introduction d'un nouveau logiciel, ont suscité des alertes et modifié les conditions d'exercice.
Faits
Le 12 décembre 2023, le Dr Catherine Dumas-Pierog, médecin-conseil, s'est défenestrée depuis les locaux de l'assurance maladie à Strasbourg, quelques heures après avoir reçu son planning pour le mois suivant. Elle avait été embauchée en mai 2023 au service médical local du Bas-Rhin et avait déjà exercé la profession entre 2008 et 2016. Un billet manuscrit retrouvé sur son bureau contenait des messages exprimant des difficultés d'intégration et un profond épuisement.
Enquête administrative et observations
L'Inspection du travail a transmis un signalement au procureur en octobre 2024, estimant que l'employeur n'avait pas respecté ses obligations en matière de prévention. Le dossier fait état d'une augmentation de la charge de travail liée à la réorganisation, d'une réduction de l'autonomie dans la gestion des dossiers, d'une communication principalement électronique et de signes d'isolement professionnel (absence aux repas collectifs, porte de bureau souvent fermée). L'analyse de la messagerie de la victime a également indiqué des envois de courriels tôt le matin. Le signalement mentionne des faits de menaces à l'encontre de la victime.
Procès et éléments juridiques
Lors du procès, la juridiction a retenu la responsabilité pénale de l'employeur pour homicide involontaire en lien avec un défaut de surveillance du bien-être psychosocial de la salariée. Des représentants de la partie civile ont souligné l'importance de la décision au regard du faible nombre de jurisprudences comparables. La hiérarchie de la victime avait été alertée par plusieurs signes de souffrance au travail peu avant le passage à l'acte.
Enjeux organisationnels et prévention
Le dossier interroge l'impact d'une réorganisation du travail sur la concentration des tâches, la gestion des objectifs et la qualité des interactions entre collègues. Une alerte antérieure de la médecine du travail évoquait déjà une souffrance liée aux modalités de management. Le cas met en évidence des enjeux de prévention des risques psychosociaux, de suivi des salariés et de responsabilités de l'employeur en matière de sécurité et de santé au travail.
Réactions et suite
Des représentants syndicaux ont estimé que la décision reconnaissait une défaillance de l'employeur dans la veille du bien-être psychosocial. Au moment du prononcé, la Cnam n'avait pas formulé de réaction publique immédiate. La décision pourra peser sur la prévention des risques psychosociaux au sein des administrations et des entreprises.








