Résumé
Le ministère de l'Intérieur a demandé aux préfets de s'opposer au pavoisement des mairies et autres bâtiments publics aux couleurs palestiniennes, dans un télégramme daté du 19 septembre 2025. La demande vise en particulier la journée du 22 septembre 2025, annoncée pour la reconnaissance par la France d'un État de Palestine devant l'Assemblée générale des Nations unies.
Contexte
Le 14 septembre 2025, le premier secrétaire du Parti socialiste, Olivier Faure, a appelé les maires à hisser le drapeau palestinien sur les frontons municipaux le 22 septembre, jour où la France doit officialiser la reconnaissance d'un État palestinien à New York. Plusieurs municipalités ont annoncé leur intention d'afficher ce drapeau, notamment Nantes, Saint-Denis, Tarnos et Grenoble.
Instruction du ministère de l'Intérieur
Dans un télégramme adressé aux préfets et rendu public le 19 septembre 2025, la place Beauvau rappelle « le principe de neutralité du service public » et demande aux représentants de l'État de s'opposer à de tels pavoisements. Le texte, signé par le secrétaire général du ministère, Hugues Moutouh, considère qu'« un tel pavoisement constitue une prise de parti dans un conflit international » et relève d'« une ingérence contraire à la loi ». La note invite les préfets à enjoindre les maires à retirer les drapeaux et, en cas de refus, à « déférer à la juridiction administrative » la décision.
Le télégramme mentionne également des motifs de maintien de l'ordre public, évoquant « les risques d'importation sur le territoire national d'un conflit international en cours » et les « troubles graves à l'ordre public identifiés localement ».
Réactions politiques et locales
Plusieurs élus et formations ont répondu à l'appel d'Olivier Faure et à la circulaire ministérielle. Des maires ont confirmé leur intention d'afficher le drapeau palestinien le 22 septembre ; d'autres ont annoncé qu'ils n'y procéderaient pas. Des prises de position figurent à la fois à gauche et à droite de l'échiquier politique.
Au sein du Parti socialiste, la proposition a suscité des désaccords internes. Des maires de diverses familles politiques ont justifié leurs choix par des motifs différents : soutien à l'initiative présidentielle de reconnaissance, volonté d'expression symbolique locale ou rappel du principe de neutralité républicaine.
Des responsables politiques et élus ont contesté l'intervention du ministère, estimant que les préfets n'ont pas de pouvoir d'interdiction directe comparable à celui exercé pour les manifestations et que la question relèverait en dernier ressort de la juridiction administrative.
Cadre juridique et jurisprudence
Les décisions judiciaires récentes ont servi de référence dans le débat. Des juridictions administratives ont ordonné le retrait de drapeaux palestiniens installés sur des mairies (cas rapportés à Gennevilliers, Mitry-Mory, Besançon et La Courneuve), au motif qu'ils constituaient une manifestation d'opinion politique susceptible de porter atteinte au principe de neutralité des services publics.
La jurisprudence antérieure citée remonte notamment à une décision de 2005 relative à l'affichage d'un drapeau indépendantiste en Martinique, fondant l'application du principe de neutralité des édifices publics. Par contraste, certaines décisions récentes ont distingué des pavoisements considérés comme des « symboles de solidarité » (cas du drapeau ukrainien pour certains tribunaux), ce qui montre que l'appréciation judiciaire peut varier selon le contexte et les éléments factuels présentés.
Procédure et suites possibles
La note ministérielle demande aux préfets de contacter les maires concernés pour demander le retrait des drapeaux et, si nécessaire, de saisir le juge administratif. En pratique, la mesure administrativement demandée consiste à engager des recours contentieux afin que les juridictions tranchent sur le caractère politique ou de solidarité du pavoisement et sur son compatibilité avec le principe de neutralité.
Plusieurs recours et ordonnances en référé étaient déjà intervenus dans les semaines précédant la date évoquée, et d'autres procédures pouvaient être engagées à la suite des injonctions préfectorales.
Observations finales
Le dossier articule des dimensions protocolaires, juridiques et de maintien de l'ordre public :
- un appel politique à un geste symbolique local (pavoisement) ;
- une instruction administrative rappelant le principe de neutralité et demandant aux préfets d'agir par voie de saisine de la juridiction administrative ;
- une série de décisions judiciaires récentes sur des cas comparables, qui servent de référence mais laissent place à l'appréciation au cas par cas par les juridictions.
La question de la légalité et de la légitimité de ces pavoisements devait être tranchée, en dernier ressort, par la justice administrative, au regard des circonstances locales et des éléments présentés par les municipalités et les préfets.