Constat général
La contrôleure générale des lieux de privation de liberté, Dominique Simonnot, a publié un avis daté du 6 octobre, rendu public le 4 décembre. Dans ce document, elle dresse un bilan de la prise en charge des enfants admis en psychiatrie et formule des observations relatives au respect de leurs droits fondamentaux.
Chiffres et contexte
L'avis s'appuie notamment sur des données de l'Agence technique de l'information sur l'hospitalisation (ATIH) : 52 000 enfants âgés de 4 à 17 ans ont été hospitalisés en psychiatrie en 2023. Il se fonde également sur des signalements et sur des visites d'établissements pour rendre compte des pratiques observées sur le terrain.
Modalités d'hospitalisation et cadre légal
Les hospitalisations interviennent majoritairement à la demande des parents ou à la suite d'une décision judiciaire. Le recours à l'hospitalisation sans consentement pour les mineurs est strictement encadré par la loi et limité à des cas précis, par exemple lorsque les troubles mentaux compromettent la sûreté des personnes ou en cas d'irresponsabilité pénale liée à un trouble mental. En principe, l'isolement et la contention sont réservés au cadre des soins sans consentement et à des situations dûment motivées et contrôlées.
Pratiques observées
L'avis identifie plusieurs pratiques préoccupantes relevées lors des visites :
- un recours massif à l'isolement et à la contention, y compris pour des mineurs en soins libres ;
- le placement de mineurs dans des unités pour adultes en raison du manque de places dédiées à la pédopsychiatrie ;
- des hébergements prolongés en chambre d'isolement, parfois dépourvues de dispositif d'alerte ;
- l'adoption de mesures sans justification clinique apparente et des difficultés pour le mineur à contester ces mesures ;
- des règles de vie imposées sans consultation des mineurs (restrictions des communications, visites limitées) ;
- l'interruption ou l'insuffisance de la scolarité pendant l'hospitalisation.
L'avis rapporte des exemples précis observés lors des visites : un enfant de 12 ans placé en isolement pendant une journée entière ou des épisodes de contention dépassant la durée d'une journée.
Facteurs contributifs
Selon la contrôleure, ces pratiques sont liées à plusieurs facteurs structurels : insuffisance de moyens matériels et humains dans certains services, surcharge des équipes, manque de places spécifiques en pédopsychiatrie et insuffisances de formation des professionnels. Certains praticiens invoquent une finalité thérapeutique pour l'isolement ou la contention, position jugée par l'avis insuffisamment étayée par des données probantes.
Enjeux juridiques et droits des mineurs
L'avis met en évidence des enjeux juridiques : des mesures d'isolement et de contention prononcées à l'égard de mineurs en soins libres peuvent échapper au contrôle judiciaire et ne sont pas toujours contestables par le mineur. La contrôleure relève des atteintes aux droits garantis par la Convention internationale des droits de l'enfant et par le Code de la santé publique, notamment en matière de protection contre des privations de liberté non prévues par le cadre légal.
Recommandations
Pour remédier à ces constats, la contrôleure formule plusieurs recommandations :
- créer un statut légal spécifique pour les mineurs hospitalisés en psychiatrie ;
- interdire explicitement l'isolement et la contention des mineurs en dehors d'un cadre strictement défini par la loi ;
- élaborer et financer un plan national de réhabilitation de la pédopsychiatrie afin d'assurer des prises en charge adaptées ;
- renforcer la formation des professionnels et les dispositifs de protection des mineurs hospitalisés ;
- garantir la continuité de la scolarité pendant l'hospitalisation.
Conclusion
L'avis établit un lien entre les pratiques observées en établissement et les lacunes du dispositif de prise en charge. Il propose un ensemble de mesures légales et organisationnelles destinées à encadrer et modifier ces pratiques, et adresse des préconisations aux pouvoirs publics pour améliorer la protection et la prise en charge des mineurs en psychiatrie.








