Événement
En octobre 2025, le marché de Gikomba à Nairobi a accueilli le Gikomba Runway Edition, un défilé organisé dans une allée du marché en plein air. Des mannequins ont présenté des tenues réalisées à partir de textiles récupérés dans des décharges et de vêtements de seconde main considérés jusque-là invendables.
Créateurs et pratiques
Le défilé a mis en avant des stylistes kényans spécialisés dans la récupération et la transformation de vêtements usagés. Parmi eux, Morgan Azedy a présenté la collection « Kenyan Raw », qui associe des pièces streetwear en jean et des tenues confectionnées à partir de cuir récupéré. Son atelier, installé dans une seule pièce, assemble et retravaille des matériaux retirés de ballots et de décharges. Une autre créatrice, Olwande Akoth, élabore des kimonos à partir de tissus récupérés, après avoir cessé de vendre certains vêtements d'occasion jugés de qualité insuffisante.
Les créateurs décrivent la réutilisation des textiles comme une réponse aux coûts d'achat de tissu neuf et comme une manière de réemployer des matériaux destinés aux décharges. Des pièces surdimensionnées sont ajustées et transformées en vestes, pantalons et autres vêtements présentés lors du défilé.
Flux d'importation et données chiffrées
Selon une étude du MIT, le Kenya a importé environ 197 000 tonnes de vêtements d'occasion en 2023, pour une valeur estimée à 298 millions de dollars. Le centre de recherche Environment for Development (EfD) estime qu'une part notable de ces textiles — plus de 30 % selon cette source — est inutilisable et finit en décharge.
Une étude de 2017 de l'agence USAID indiquait que l'Afrique de l'Est reçoit environ un huitième des vêtements de seconde main mondiaux et que ce secteur fournit des emplois à plusieurs centaines de milliers de personnes. À l'échelle mondiale, la Banque mondiale estime que l'industrie de la mode représente jusqu'à 10 % des émissions de gaz à effet de serre.
Enjeux environnementaux
La majorité des vêtements modernes contient des fibres synthétiques comme le nylon et le polyester, qui sont des polymères d'origine plastique et présentent une faible biodégradabilité. L'accumulation de textiles non réutilisables dans les décharges contribue à l'augmentation du volume de déchets solides au Kenya. Les créateurs qui récupèrent et transforment des vêtements mettent en avant la réduction du volume jeté comme un objectif de leur activité, mais les volumes importés dépassent l'échelle de ces initiatives.
Conséquences économiques et politiques commerciales
L'importation de vêtements d'occasion fournit une source de vêtements à bas coût pour des ménages à faibles revenus, tout en exerçant une pression concurrentielle sur l'industrie textile locale. Des pays de la région, dont le Kenya, la Tanzanie et l'Ouganda, ont envisagé des restrictions sur ces importations. En 2016, la Communauté d'Afrique de l'Est a étudié l'idée d'une interdiction, mais ce projet n'a pas été mis en œuvre en raison de préoccupations liées à l'accès au marché américain.
L'AGOA (African Growth and Opportunity Act), un accord commercial entre les États-Unis et certains pays africains, a expiré fin septembre 2025. Son renouvellement est considéré comme incertain et constitue un élément pris en compte dans les débats sur la régulation des importations de vêtements d'occasion.
Perspectives
Les transformations réalisées par des stylistes locaux offrent une voie de valorisation des textiles rejetés et peuvent créer des opportunités professionnelles et commerciales pour des acteurs locaux. Toutefois, les volumes d'importation et les caractéristiques des matériaux importés posent des défis environnementaux et économiques à grande échelle. Les discussions sur des mesures de restriction, sur les conditions d'importation et sur des politiques de gestion des déchets textiles se situent au croisement des préoccupations sociales, environnementales et commerciales.