Résumé
L’étude PestiRiv, conduite conjointement par Santé publique France et l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), a évalué l’exposition aux pesticides des personnes vivant à proximité des vignobles. Elle a mesuré des résidus dans l’organisme et dans l’environnement domestique afin d’identifier les facteurs influençant cette exposition et ses variations saisonnières.
Objectifs et périmètre de l’étude
L’objectif de PestiRiv était de comparer l’exposition aux produits phytopharmaceutiques des riverains des vignes et de personnes habitant loin de toute culture, d’identifier les facteurs associés à cette exposition et d’observer ses variations au cours de l’année. L’étude a porté sur 265 sites répartis dans six régions viticoles et a ciblé 56 substances actives.
Méthodes
- Population et période : 1 946 adultes et 742 enfants (âgés de 3 ans et plus) recrutés sur les sites étudiés. Deux périodes ont été distinguées : une période hors traitement et une période de traitement des cultures (principalement de mars à août). La collecte de données a été réalisée en 2021-2022.
- Groupes comparés : un groupe résidant à moins de 500 mètres des vignes et un groupe témoin résidant à plus d’un kilomètre de toute culture (certaines analyses ont utilisé des seuils de comparaison supérieurs, jusqu’à cinq kilomètres selon les sites).
- Prélèvements et mesures : analyses d’urine (recueil sur 14 jours), prélèvements de cheveux, mesure de l’air ambiant extérieur et intérieur (mesures d’environ sept jours), prélèvements de poussières domestiques (aspiration sur 14 jours) et analyses de fruits et légumes de potagers lorsque présents.
- Substances étudiées : parmi les substances recherchées figuraient des fongicides, herbicides et insecticides, tels que folpel, cuivre, glyphosate, fosétyl‑aluminium, spiroxamine et métirame.
- Ressources : l’opération a mobilisé plusieurs laboratoires et un budget déclaré dans les comptes de l’étude.
Résultats principaux
- Différence d’exposition : les niveaux de pesticides mesurés dans les urines, les poussières et l’air ambiant étaient systématiquement plus élevés chez les personnes résidant à proximité des vignes que chez celles vivant loin de toute culture.
- Urines : l’imprégnation urinaire était plus élevée en zone viticole, avec des augmentations généralement comprises entre 15 % et 45 % par rapport aux zones éloignées. Pendant la période de traitement, cette augmentation pouvait atteindre jusqu’à 60 % selon les substances et les situations étudiées.
- Poussières : la contamination des poussières intérieures variait fortement selon les substances, allant de quelques pourcents d’augmentation à des multiplications dépassant 1 000 % selon les cas et les périodes de traitement.
- Air ambiant : des facteurs de concentration supérieurs en zone viticole ont été observés, avec des rapports atteignant par exemple jusqu’à 12 fois plus élevés en dehors des périodes de traitement et, pour certains pesticides et certains sites, des facteurs encore plus importants en période d’épandage (jusqu’à 45 fois pour des mesures ponctuelles selon les séries rapportées).
- Substances dominantes : folpel et cuivre figuraient parmi les substances les plus fréquemment détectées et aux teneurs élevées dans plusieurs matrices.
- Populations sensibles : les enfants de 3 à 6 ans présentaient des niveaux d’imprégnation supérieurs à ceux des adultes, attribués à des comportements spécifiques (contact au sol, mise des mains à la bouche) et à des apports alimentaires.
Facteurs associés et gestes individuels
- Principaux facteurs d’exposition : proximité du logement par rapport aux parcelles traitées et quantité de pesticides appliqués. Le temps passé à l’extérieur et la durée d’aération des logements augmentaient également les niveaux mesurés.
- Mesures individuelles limitant l’exposition : enlever les chaussures en entrant, nettoyage régulier des sols, séchage du linge en intérieur pendant les périodes de traitement, ventilation adaptée (par exemple VMC), épluchage des fruits et légumes du jardin et modération de la consommation d’œufs provenant de poulaillers personnels.
Limites de l’étude
- Données d’utilisation : les auteurs n’ont pas disposé d’un accès exhaustif aux registres centralisés des épandages sur l’ensemble des sites et ont dû reconstituer les pratiques d’utilisation par d’autres méthodes, ce qui limite la précision des corrélations entre quantités appliquées et transferts environnementaux.
- Population professionnelle : le nombre de viticulteurs et d’ouvriers agricoles participants était insuffisant pour établir une imprégnation spécifique des travailleurs agricoles.
- Âge des enfants : les moins de trois ans n’ont pas été inclus, pour des raisons méthodologiques liées au recueil des échantillons urinaires.
- Santé : l’étude décrit des niveaux d’exposition mais n’évalue pas directement les effets sanitaires ni n’établit de seuils de risque pour la santé humaine.
Interprétation et recommandations des agences
Santé publique France et l’Anses estiment que l’influence de la proximité des cultures sur la contamination des milieux et l’imprégnation des personnes observée dans PestiRiv justifie des actions visant à limiter l’exposition des riverains. Les recommandations formulées incluent notamment :
- réduire l’utilisation des produits phytopharmaceutiques au strict nécessaire, en cohérence avec la stratégie nationale Ecophyto 2030 ;
- informer les populations riveraines avant les campagnes de traitement afin qu’elles puissent adapter leurs comportements (fermeture des fenêtres, retrait du linge étendu, protection des personnes vulnérables) ;
- améliorer la transparence et la traçabilité des usages par la création d’une base de données nationale, centralisée et régulièrement mise à jour sur les produits utilisés, les quantités et les périodes d’application ;
- envisager l’élargissement des zones de non‑traitement autour des habitations et le développement de pratiques alternatives, mesures applicables à d’autres cultures au-delà de la vigne.
Conclusion
PestiRiv fournit une photographie comparative de l’exposition aux pesticides des riverains des vignobles et de personnes vivant loin de toute culture, en montrant des niveaux plus élevés de contaminants dans plusieurs matrices environnementales et biologiques chez les premiers. L’étude signale des variations saisonnières liées aux périodes de traitement, des différences selon les substances et souligne des moyens individuels de réduire l’exposition domestique. Elle ne permet pas d’établir des liens directs entre ces expositions et des effets sanitaires à long terme ni de définir des seuils de risque. Les agences responsables recommandent des actions de réduction de l’usage, d’information des riverains et d’amélioration de la connaissance des pratiques d’épandage.