Constat
Le réseau officinal français a enregistré une réduction de son nombre d'officines au cours de la dernière décennie. Selon la profession, environ 2 000 pharmacies ont fermé et le total est passé sous la barre des 20 000, avec 260 fermetures sur l'année la plus récente citée.
La Cour des comptes relève une accélération des fermetures en milieu rural : le rythme annuel moyen des cessations d'activité dans les bourgs ruraux a presque quintuplé entre les périodes comparées 2015‑2019 et 2019‑2021, alors qu'il a été multiplié par moins de deux en zone urbaine.
Un rapport publié en mai note une détérioration de l'accès des patients aux officines et indique que le temps de trajet moyen pour les assurés a augmenté de près de 7 % sur la période 2020–2023.
Causes identifiées
Plusieurs facteurs économiques et organisationnels expliquent ces fermetures :
- Baisse du prix des médicaments remboursables et pression sur les marges des officines, accentuée par des mesures de plafonnement des remises commerciales sur les génériques.
- Pénuries chroniques de certains médicaments, affectant l'activité et la gestion des stocks.
- Hausse des coûts fixes (loyers, charges, salaires) et tensions liées à l'inflation.
- Effet de désertification médicale : la diminution du nombre de médecins dans certaines zones réduit l'activité des officines voisines.
Par ailleurs, une mesure gouvernementale visant à réduire le plafond des remises commerciales sur les génériques a été annoncée puis suspendue pour une période de trois mois. Cette décision a été présentée par des représentants de la profession comme un facteur aggravant des difficultés économiques.
Impacts sur l'accès aux soins
La fermeture d'une pharmacie dans un territoire peu dense entraîne des conséquences sur l'accès aux médicaments et aux services pharmaceutiques : allongement des distances à parcourir, difficultés accrues les week-ends et jours fériés, et réduction des points de contact locaux pour les personnes nécessitant des conseils ou des actes dispensés par les pharmaciens.
Dans certains cas, la fermeture d'une officine conduit à la disparition de la licence sur la commune, rendant plus compliquée une éventuelle réouverture — l'implantation d'une nouvelle officine étant encadrée par des règles de densité et de seuil de population.
Reprises, structure du réseau et défi des remplacements
Les propriétaires de petites officines, notamment en milieu rural, rencontrent des difficultés à transmettre leur entreprise en raison d'une rentabilité perçue comme insuffisante par des candidats repreneurs. Les opérations de rachat sont plus fréquentes en milieu urbain, parfois menées par des groupes d'investisseurs, mais ce modèle est rarement observé pour des villages de faible population.
Des représentants des communautés professionnelles territoriales de santé signalent la disparition progressive de mailles du maillage territorial : des pharmacies qui étaient les seules dans leur commune ferment sans être remplacées.
Positions des professionnels et élus
Élus locaux et représentants de la profession pharmaceutique attendent une révision du modèle économique des officines pour rétablir des conditions de viabilité. Certains représentants estiment que des actes et services fournis par les pharmaciens (préparation de piluliers pour établissements, livraisons, soins de pansement, accompagnement des renouvellements) ne sont pas suffisamment valorisés financièrement.
Ces acteurs ont mis en garde contre un risque de disparition d’une part importante du réseau si certaines mesures de tarification et de marge étaient maintenues telles qu'annoncées.
Mesures et pistes envisagées
Parmi les propositions et expérimentations mentionnées pour préserver l’accès pharmaceutique en zones rurales figurent :
- La révision du modèle économique et des modalités de rémunération des officines et des services associés.
- L’expérimentation d’« antennes » de pharmacies, dispositif consistant à associer financièrement une pharmacie fermée à une officine voisine pendant une période de test afin d’évaluer sa viabilité.
Ces pistes visent à maintenir un maillage territorial des services pharmaceutiques et à limiter l'aggravation des zones à faible accessibilité.
Conclusion
L'évolution récente du nombre d'officines et les indicateurs d'accès signalés par des institutions et professionnels pointent des tensions spécifiques en milieu rural. Les acteurs du secteur et des collectivités locales identifient des leviers économiques et organisationnels à adapter pour limiter les fermetures et préserver l'accès aux services pharmaceutiques dans les territoires concernés.