Selon une étude de l’Institut Terram et de l’association Rura, la vie en milieu rural accentue des inégalités de genre déjà présentes, que les auteur·ice·s qualifient de « malus rural du genre ». Le rapport rassemble analyses et témoignages afin d’identifier les mécanismes spatiaux, économiques et sociaux qui réduisent l’autonomie et les perspectives professionnelles de nombreuses femmes vivant en zones peu denses.
Définition du « malus rural du genre »
Le rapport définit le « malus rural du genre » comme l’ensemble des effets produits par la faible densité démographique, l’éloignement et la raréfaction des services sur des mécanismes de domination masculine déjà existants. Ces caractéristiques territoriales transforment des inégalités structurelles en contraintes concrètes affectant l’accès à l’emploi, la sécurité économique et l’accès aux services de première nécessité.
Mobilité et trajectoires professionnelles
Les auteur·ice·s décrivent une contrainte géographique récurrente résumée par l’expression « 1 kilomètre = 1 minute ». Dans ce contexte, la dépendance à la voiture individuelle est forte. Le partage des véhicules au sein des ménages apparaît inégal : lorsqu’il y a deux véhicules, l’un est souvent plus récent et plus fiable, ce qui détermine la capacité à se déplacer pour travailler.
Cette contrainte pèse sur les trajectoires professionnelles : l’absence de transports en commun, le manque de permis ou la distance jusqu’à l’emploi conduisent certaines femmes à renoncer à des postes mieux rémunérés ou à accepter des emplois moins qualifiés et plus proches du domicile. Le rapport illustre ces mécanismes par des témoignages locaux.
Maternité, garde d’enfants et activité économique
Le rapport met en évidence des différences d’offre de garde d’enfants entre zones rurales et urbaines, avec un ratio signalé de 8 places de crèche pour 100 enfants en milieu rural contre 26 pour 100 en ville. Dans ce contexte, les ménages effectuent des arbitrages financiers et organisationnels qui conduisent plus souvent les femmes à réduire ou interrompre leur activité salariée.
Les auteur·ice·s décrivent un mécanisme d’accumulation patrimoniale différenciée : les dépenses courantes sont majoritairement supportées par les femmes, tandis que les investissements durables (logement, véhicule) reviennent davantage aux hommes. À la séparation, cette répartition expose certaines femmes à une fragilité économique accrue. Le rapport cite des données de perception : environ 27 % des femmes rurales (21 % des femmes urbaines selon la même source) estiment qu’elles ne pourraient pas s’en sortir financièrement en cas de séparation, contre environ 9 % des hommes.
Isolement, violences et accès au signalement
L’éloignement et l’isolement géographique compliquent l’accès aux dispositifs d’accompagnement et de protection. Dans certains cas, le signalement de violences passe par des tiers locaux (écoles, services), et la dépendance aux proches ou à un véhicule limite la possibilité de quitter une situation de violences.
Accès aux soins
Le rapport aborde l’impact des déserts médicaux sur l’accès à des soins et examens spécialisés. Il mentionne des situations où les délais et les distances allongent l’attente pour des examens de prévention ou des consultations, poussant certaines personnes à se déplacer hors de leur territoire de résidence pour obtenir un rendez‑vous rapide.
Engagement politique et représentation locale
Les auteur·ice·s relèvent que la répartition des tâches domestiques et la perception de légitimité influent sur l’engagement politique local des femmes. Le rapport signale une hésitation plus fréquente des femmes à se porter candidates aux fonctions locales, imputée à un sentiment d’illégitimité professionnel ou personnel nourri par des pratiques sociales locales.
Préconisations
Le rapport propose une approche dite de « conception universelle », centrée sur les « utilisatrices et utilisateurs extrêmes » : l’idée est que des solutions adaptées aux situations les plus contraintes (par exemple, une mère isolée en zone de faible densité) produiraient des bénéfices pour l’ensemble des usagers. Les auteur·ice·s recommandent d’agir sur la mobilité, l’offre de services de proximité, l’accès à la garde d’enfants et la médicalisation des territoires pour réduire les effets identifiés.








