Annonce et portée de la reconnaissance
Le président français Emmanuel Macron a reconnu que la France a mené une guerre au Cameroun contre des mouvements insurrectionnels avant et après l’indépendance de 1960. Cette reconnaissance figure dans une lettre adressée à son homologue camerounais, Paul Biya, rendue publique un mardi 12 août. Le chef de l’État indique assumer le rôle et la responsabilité de la France dans ces événements et précise que le conflit s’est poursuivi au‑delà de 1960 avec un appui français aux actions des autorités camerounaises.
Cadre mémoriel et fondements historiques
La démarche s’inscrit dans la politique mémorielle engagée par la présidence française à propos de l’histoire coloniale et postcoloniale, dans le sillage de travaux menés sur le Rwanda et l’Algérie. Elle s’appuie sur les conclusions d’un rapport d’historiens, remis en janvier, affirmant qu’une guerre a eu lieu au Cameroun et documentant des violences répressives exercées par les autorités coloniales et par l’armée française.
La commission mixte et ses conclusions
Annoncée en juillet 2022, une commission mixte franco‑camerounaise, présidée par l’historienne Karine Ramondy, a étudié la période allant de 1945 à 1971. Son rapport, d’environ mille pages, conclut notamment que l’indépendance formelle de janvier 1960 n’a pas constitué une rupture nette avec la période coloniale, les nouvelles autorités camerounaises bénéficiant d’un soutien français, y compris pour des mesures répressives. Le rapport évoque des « dizaines de milliers » de victimes possibles. Des estimations officielles partielles font état d’au moins 7 500 combattants tués entre 1956 et 1962, sans inclure l’ensemble des civils ni les décès indirects.
Chronologie synthétique des faits
- Après la Seconde Guerre mondiale, les autorités françaises répriment le mouvement indépendantiste, notamment l’Union des populations du Cameroun (UPC).
- En 1955, l’UPC est interdite et ses militants entrent en clandestinité. Entre 1956 et 1961, la violence du conflit augmente, particulièrement dans le sud et l’ouest du pays. Des pratiques telles que les camps de regroupement, les rafles, les arrestations préventives et des procédures judiciaires répressives sont documentées.
- À partir de 1960, malgré l’indépendance, des opérations contre les opposants se poursuivent avec l’appui de la France aux autorités camerounaises. La lutte armée et la répression perdurent jusqu’au début des années 1970. Ernest Ouandié, l’un des principaux dirigeants indépendantistes, meurt le 15 janvier 1971.
Épisodes et responsabilités évoqués
La lettre présidentielle mentionne des épisodes précis, dont les événements d’Ekité du 31 décembre 1956, ayant causé de nombreuses victimes. Elle cite également la mort, lors d’opérations menées sous commandement français, de quatre figures indépendantistes : Isaac Nyobè Pandjock (17 juin 1958), Ruben Um Nyobè (13 septembre 1958), Paul Momo (17 novembre 1960) et Jérémie Ndéléné (24 novembre 1960). S’agissant de l’assassinat de Félix‑Roland Moumié à Genève le 3 novembre 1960, la lettre souligne l’absence d’éléments suffisants dans les archives françaises et le non‑lieu prononcé par la justice suisse en 1980, ne permettant pas d’attribuer de responsabilités nouvelles.
Mesures annoncées et poursuite des recherches
Le président français propose la création d’un groupe de travail franco‑camerounais dédié et s’engage à faciliter l’accès aux archives françaises afin de poursuivre les investigations. L’objectif affiché est de mieux documenter cette période et d’améliorer la connaissance partagée des faits.
Réceptions et enjeux
Des acteurs camerounais, notamment des associations d’anciens combattants indépendantistes, ont salué cette reconnaissance tout en appelant à des discussions sur d’éventuelles réparations. Ce point n’est pas abordé dans la lettre. Les travaux historiques et l’ouverture des archives sont présentés comme des étapes pour approfondir l’établissement des faits et éclairer, sur le temps long, les responsabilités.