Déroulement des manifestations
Un mouvement de protestation a débuté le 25 septembre, initialement axé sur des coupures d'eau et d'électricité. Les rassemblements se sont étendus à la capitale et à plusieurs villes de province, notamment Mahajanga, Toliara, Fianarantsoa, Antsiranana et Sambava. Les mobilisations ont pris des formes variées, comprenant des manifestations de rue et des actions syndicales.
Les tensions ont conduit à des heurts entre manifestants et forces de l'ordre, avec des usages de grenades lacrymogènes pour disperser des groupes dans plusieurs quartiers d'Antananarivo. Le centre-ville a été bouclé à l'approche de nouveaux appels à manifester. Des pillages ont été signalés dans certains secteurs pendant la période de violences.
Déclarations officielles
Le président Andry Rajoelina a qualifié le mouvement de tentative de « coup d'État », affirmant que la jeunesse mobilisée, notamment regroupée au sein du collectif dit Gen Z, serait manipulée par des acteurs malgaches et étrangers. Il a évoqué des paiements visant à l’évincer et a imputé au mouvement une campagne de manipulation numérique et une « cyberattaque ». Il a également accusé des hommes politiques nationaux d’exploiter la situation.
La ministre des Affaires étrangères a évoqué une « cyberattaque massive » et une manipulation numérique pilotée initialement depuis l’étranger, sans présenter publiquement d’analyses détaillées.
Le chef de l’État a indiqué sa disponibilité au dialogue et a demandé aux forces de l’ordre de « faire revenir la paix ». Il a par ailleurs limogé l’ensemble du gouvernement et a engagé des consultations en vue de la nomination d’un nouveau Premier ministre, nomination pour laquelle il n’a pas annoncé de décision publique.
Revendications et acteurs
Le mouvement Gen Z a élargi les revendications au départ techniques (eau, électricité) vers des demandes politiques, incluant la consultation sur la nomination du futur Premier ministre. Le collectif a demandé un délai supplémentaire pour ce processus et a réclamé l’ouverture d’une enquête internationale sur les actions des forces de l’ordre.
Plusieurs syndicats, dont celui de la société nationale de distribution d’eau et d’électricité (Jirama), ainsi que les syndicats des agents pénitentiaires et des douanes, ont appelé à la grève, certains annonçant des durées déterminées (par exemple une grève de trois jours pour certains corps). L’opposition politique a, pour sa part, demandé le départ du chef de l’État.
Bilan humain et mesures de sécurité
Un premier bilan publié par le Haut-Commissariat aux droits de l’homme des Nations unies a fait état de 22 morts et de centaines de blessés, en distinguant les manifestations des violences liées aux pillages, attribués selon ce bilan à des individus et des gangs distincts des manifestants. Le gouvernement a contesté ces chiffres.
Les forces de sécurité ont multiplié les déploiements et ont utilisé des moyens de maintien de l’ordre pour disperser les rassemblements et empêcher la progression de groupes vers des points de ralliement. Les autorités ont également imposé des contrôles de circulation dans certains secteurs.
Impact politique et économique
La crise a entraîné des perturbations du fonctionnement administratif et économique, notamment en raison d’appels à la grève dans des services stratégiques. Des acteurs économiques ont signalé le risque d’arrêt d’activités en cas de prolongation des mouvements sociaux affectant les douanes et les services publics.
Sur le plan politique, la démission collective du gouvernement et l’absence de nomination immédiate d’un nouveau Premier ministre ont été perçues comme des éléments centraux de la crise. Des consultations ont été menées par le chef de l’État avec des acteurs religieux, des représentants internationaux et d’autres parties prenantes.
Contexte historique et socio-économique
Andry Rajoelina a exercé le pouvoir pour la première fois en 2009 dans un contexte de transition et a présidé une période de transition jusqu’en 2014. Il a ensuite été élu président en 2018 et réélu en 2023. Madagascar est indépendant depuis 1960. Selon des estimations publiées en 2022 par la Banque mondiale, une part importante de la population vit sous le seuil de pauvreté.
Le mouvement en cours combine des revendications immédiates liées aux services publics et des demandes politiques plus larges, inscrites dans un contexte de tensions sociales et institutionnelles antérieures.