Contexte
Des manifestations majoritairement conduites par la génération dite Gen Z ont débuté le 25 septembre 2025 pour dénoncer des coupures répétées d'eau et d'électricité ainsi que d'autres difficultés socio-économiques. Selon un bilan cité par l'ONU, au moins 22 personnes ont été tuées et une centaine blessées au début du mouvement.
Au fil des semaines, le mouvement a élargi ses revendications pour demander le départ du président Andry Rajoelina. Entre le 11 et le 12 octobre 2025, Andry Rajoelina a quitté le pays ; son entourage a évoqué des menaces contre sa vie. Le 14 octobre 2025, l'Assemblée nationale a voté la destitution d'Andry Rajoelina.
Mutinerie et prise de pouvoir
Le Capsat (Corps d'appui à la protection des institutions et services administratifs et techniques), unité de l'armée malgache, a refusé d'exécuter des ordres visant à réprimer les manifestations. Son chef, le colonel Michaël Randrianirina, a appelé dans une vidéo les militaires à ne pas tirer sur les manifestants. Le Capsat s'est ensuite rallié aux manifestants et a occupé des sites centraux de la capitale Antananarivo.
Après la fuite du président et la destitution décidée par l'Assemblée nationale, la Haute Cour constitutionnelle (HCC) a constaté la vacance du pouvoir et a invité le colonel Randrianirina à exercer les fonctions de chef de l'État.
Les autorités issues de ces décisions ont annoncé la suspension de certaines institutions constitutionnelles et la mise en place d'un comité militaire chargé de la transition, tout en maintenant la chambre basse du Parlement en place.
Investiture
Le colonel Michaël Randrianirina a prêté serment devant les juges de la Haute Cour constitutionnelle lors d'une cérémonie qui s'est tenue à Antananarivo le 17 octobre 2025. Il a été investi sous le titre de «président de la Refondation de la République de Madagascar» et a reçu des distinctions traditionnellement attribuées au chef de l'État.
Dans son allocution, il a déclaré vouloir engager une «rupture avec le passé», procéder à des réformes des administrations et des institutions, et consulter les forces vives du pays pour élaborer une nouvelle Constitution et des textes électoraux. Il a remercié les jeunes du mouvement Gen Z pour leur rôle dans la contestation et assuré que le gouvernement appartiendrait aux civils. Il a également évoqué un calendrier électoral qu'il a estimé plausible entre 18 et 24 mois, alors que la HCC dispose, en vertu de la Constitution, de dispositions prévoyant des délais plus courts en cas de vacance du pouvoir.
La cérémonie a été suivie par des représentants militaires, des responsables politiques, des membres du mouvement Gen Z et des délégations étrangères, dont des représentants des États-Unis, de l'Union européenne, de la Russie et de la France.
Profil du colonel Michaël Randrianirina
Michaël Randrianirina, âgé d'environ 51 ans, commande le Capsat. Formé à l'académie militaire d'Antsirabe, il a occupé des fonctions civiles et militaires, notamment celle de gouverneur du district d'Androy (2016-2018) et de commandant d'un bataillon d'infanterie à Toliara. Il a été nommé à la tête du Capsat en 2022.
En novembre 2023, il a été arrêté et placé en résidence surveillée ; il a été condamné à une peine avec sursis pour «atteinte à la sûreté de l'État» et libéré en février 2024. Le Capsat a déjà joué un rôle dans la scène politique malgache, notamment en 2009.
Randrianirina se présente comme un officier refusant la répression des manifestants. Certaines sources journalistiques le décrivent également comme impliqué dans des activités religieuses au sein de l'Église luthérienne.
Réactions internationales et régionales
L'Organisation des Nations unies a appelé au rétablissement de l'ordre constitutionnel. L'Union africaine a suspendu Madagascar de ses instances. La Communauté de développement de l'Afrique australe (SADC) a annoncé l'envoi d'une mission d'établissement des faits. Plusieurs chancelleries ont adopté des positions prudentes, certaines appelant au dialogue inclusif et au respect de l'État de droit.
Les autorités malgaches en charge de la transition ont exprimé le souhait d'engager des négociations avec la communauté internationale et d'obtenir un accompagnement pour la refondation institutionnelle. Des préoccupations ont été exprimées concernant le maintien des financements internationaux et l'impact de sanctions potentielles sur une population déjà confrontée à des niveaux élevés de pauvreté.
Perspectives et calendrier
Le nouveau pouvoir a annoncé son intention d'organiser des consultations nationales, de réviser les textes électoraux et de tenir des élections dans un délai qu'il a situé entre 18 et 24 mois. Des organisations internationales et régionales ont demandé que les civils soient pleinement associés au processus de transition et que les droits fondamentaux soient protégés.
Des doutes subsistent quant à la durée et à la forme de la transition, à la composition des instances dirigeantes et à la capacité de la nouvelle autorité à garantir l'accès à l'aide internationale et à maintenir la stabilité institutionnelle. Des recours judiciaires et des demandes d'explication ont été déposés par des proches et partisans de l'ancien président, remettant en cause certaines procédures entourant la constatation de la vacance du pouvoir.
La situation politique et institutionnelle demeure évolutive. Des missions d'enquête régionales et des dialogues internes étaient prévus ou en cours au moment de l'investiture afin d'évaluer et d'encadrer la transition.