Faits
Dans la nuit du 11 au 12 août 2023, un bateau pneumatique d'environ sept mètres, surchargé et renforcé par une planche de bois, a été mis à l'eau vers 02h00 sur une plage du littoral nord, à proximité de Calais. En haute mer, vers 04h00, une avarie moteur et la déchirure d'un boudin ont provoqué le basculement de l'embarcation et l'éjection de plusieurs passagers, qui ne portaient pas de gilets de sauvetage.
Selon l'enquête, soixante-cinq personnes se trouvaient à bord. Six corps ont été repêchés dans les jours qui ont suivi et un septième corps a été retrouvé ultérieurement sur une plage aux Pays-Bas. Les autres personnes ont été secourues par les services maritimes français et britanniques, au nombre de cinquante-huit selon les comptes rendus.
Enquête et poursuites
À l'issue de l'instruction, des magistrats ont renvoyé devant le tribunal correctionnel de Paris neuf hommes, âgés de 23 à 45 ans, ainsi qu'un dixième prévenu, mineur au moment des faits, renvoyé devant une juridiction pour mineurs. Les personnes mises en examen sont de nationalités variées, notamment irakienne, afghane et soudanaise.
Les chefs de mise en examen comprennent homicide involontaire, mise en danger d'autrui, aide à l'entrée, à la circulation ou au séjour irréguliers et association de malfaiteurs. Deux des prévenus font l'objet de mandats d'arrêt.
Organisation du réseau
L'instruction décrit un réseau organisé opérant sur des territoires français et allemands. Selon l'ordonnance de renvoi, le réseau se composait d'une branche logistique disposant d'une base arrière en Allemagne et d'une branche chargée du recrutement des candidats au passage, identifiée comme d'origine afghane.
Les juges relèvent l'usage de réseaux sociaux, familiaux et claniques, ainsi que des actes de violence et de menaces visant à assurer la pérennité de l'activité. D'après les auditions de rescapés, le coût du passage vers le Royaume-Uni était évalué entre 1 300 et 1 500 euros par personne.
Mise en cause d'un rescapé
Parmi les personnes renvoyées figurent deux Soudanais désignés par des rescapés comme ayant assuré la conduite de l'embarcation. L'un d'entre eux, identifié dans l'instruction, conteste avoir tenu ce rôle. Il est mis en examen notamment pour homicide involontaire et mise en danger d'autrui.
La défense soutient que cet homme, qui a traversé plusieurs pays avant d'arriver en Europe, était lui-même migrant et qu'il a payé un tarif inférieur (400 euros selon ses proches), ce qui, d'après la défense, différencie sa situation de celle d'un passeur. L'avocat invoque également la possibilité que la personne soit victime de traite d'êtres humains, ce qui peut conduire à l'interdiction, au regard du droit international, de poursuivre certaines personnes.
Cette personne est placée en détention provisoire depuis plus de deux ans.
Contexte judiciaire et précédents
Les autorités judiciaires ont relié ce dossier à d'autres affaires de traversées clandestines de la Manche. En juin précédent, des passeurs avaient été condamnés à des peines de sept et huit ans d'emprisonnement dans un dossier portant sur un naufrage de décembre 2022 ayant causé la mort de huit personnes. Le naufrage le plus meurtrier connu sur cette route, avec vingt-sept victimes en novembre 2021, n'avait pas fait l'objet d'un procès à la date des éléments relatés ici.
Déroulement du procès
Le procès s'est ouvert devant le tribunal correctionnel de Paris au début de novembre 2025. Il vise à déterminer les degrés de responsabilité individuelle des prévenus et à préciser les mécanismes de fonctionnement du réseau tels qu'établis par l'enquête. La durée prévue des audiences s'étend sur plusieurs jours, selon la programmation judiciaire.








