Contexte
Le 1er décembre 2025, le Conseil des prélèvements obligatoires (CPO), institution associée à la Cour des comptes, a publié un rapport consacré à l’imposition du patrimoine en France. Le rapport analyse l’ensemble des dispositifs fiscaux liés à la détention, à la transmission et à la gestion du patrimoine et formule des propositions de réforme.
Constats chiffrés
Le rapport indique que l’imposition du patrimoine a représenté 113,2 milliards d’euros en 2024. Il souligne une forte concentration du patrimoine au sommet de la distribution : les 1 % les plus riches détiennent, selon les estimations, environ 27 % de la richesse nationale. Le CPO relève en outre que la valeur du patrimoine a augmenté plus rapidement que le revenu au cours des trente dernières années.
Critiques du système actuel
Le CPO identifie plusieurs caractéristiques du régime fiscal du patrimoine : complexité, multiplication de dispositifs et niches, effets de distorsion sur l’allocation de l’épargne et limites en termes d’équité verticale et horizontale. Le rapport met en évidence des interactions entre dispositifs (taxe foncière, droits de mutation, impôt sur la fortune immobilière, droits de succession, dispositifs d’exonération) qui compliquent l’évaluation et la comparaison des charges effectives entre ménages.
Propositions générales
Le rapport propose une refonte destinée à trois objectifs : renforcer la neutralité des règles fiscales pour améliorer l’allocation des investissements, simplifier les règles de transmission entre générations et accroître l’acceptabilité et l’équité de la fiscalité du patrimoine. Les options présentées visent à limiter certaines dérogations et niches en élargissant l’assiette et, dans certains scénarios, en recourant à une baisse des taux.
Impôt différentiel sur la fortune personnelle (IDFP)
Le CPO propose la création d’un impôt différentiel sur la fortune personnelle (IDFP), conçu pour jouer un rôle d’impôt plancher pour les patrimoines élevés. Ce mécanisme serait déclenché lorsque le montant total des impôts payés annuellement par un contribuable est inférieur à un seuil déterminé en fonction de son patrimoine. L’assiette envisagée exclurait les biens professionnels. Le rapport fournit un exemple chiffré : appliqué aux patrimoines non professionnels supérieurs à 5 millions d’euros à un taux de 0,5 %, un tel impôt pourrait générer un rendement annuel estimé à 1,4 milliard d’euros.
Transmissions et pacte Dutreil
Le CPO identifie les règles d’exonération liées aux transmissions d’entreprises, notamment le pacte Dutreil, comme une source importante de dépenses fiscales. Il propose de restreindre ce dispositif en allongeant la durée d’engagement requise de deux ans et en abaissant le taux d’exonération partielle de 75 % à 50 %. Le rapport estime qu’un tel ajustement pourrait réduire la dépense fiscale associée au pacte d’environ 1,3 milliard d’euros par an.
Le rapport formule également des recommandations sur la taxation des revenus économiques non professionnels des patrimoines les plus élevés, afin d’accroître leur contribution fiscale sans recourir à des dispositifs jugés constitutionnellement ou économiquement risqués.
Immobilier, taxe foncière et fiscalité des transactions
Sur l’immobilier, le CPO propose de réviser plusieurs règles : indexer les plus-values immobilières sur l’inflation plutôt que de s’appuyer exclusivement sur des abattements liés à la durée de détention ; rapprocher les régimes fiscaux entre location meublée et location nue, notamment en supprimant l’avantage de la déduction d’amortissement pour la location meublée non professionnelle ; et réduire le taux maximal des droits de mutation à titre onéreux (part départementale) pour favoriser la fluidité des transactions.
Le rapport souligne l’obsolescence relative de la base de la taxe foncière et propose d’envisager un ajustement de cette base, tout en rappelant les contraintes politiques liées à des modifications susceptibles d’affecter un grand nombre de propriétaires.
Épargne réglementée et assurance‑vie
Pour les produits d’épargne réglementée (par exemple le Livret A), le CPO propose de rationaliser les plafonds de dépôts afin de revenir à une fonction d’épargne de précaution. Les excédents au‑delà de ces nouveaux plafonds seraient soumis au régime fiscal standard.
Concernant l’assurance‑vie, le rapport recommande d’aligner son régime fiscal sur les règles applicables aux successions en appliquant le barème des droits de succession à compter d’un seuil équivalent au niveau de la tranche d’imposition à 20 %. Il propose également d’assouplir les modalités de paiement des droits de succession pour les héritiers de biens peu liquides.
Scénarios de réforme et effets budgétaires
Le rapport présente deux scénarios de réforme. Le premier vise à compléter la taxation des liquidités détenues dans des holdings sur longue durée par un impôt différentiel incluant les actifs professionnels, afin de limiter les opportunités d’optimisation fiscale. Le second se concentre sur un impôt différentiel limité aux patrimoines non professionnels combiné à un resserrement des dérogations telles que le pacte Dutreil.
Le CPO indique que certaines mesures peuvent être conçues pour être à rendement neutre pour les finances publiques, tandis que d’autres permettraient une augmentation nette des recettes selon les paramètres retenus.
Situation politique et calendrier
Le rapport intervient dans un contexte de débats parlementaires sur le projet de loi de finances et après des échanges publics récents portant sur des propositions de modification de la taxe foncière et sur d’autres dispositifs évoqués antérieurement, comme la taxe dite « Zucman ». Le rapport mentionne explicitement la nécessité de respecter le cadre constitutionnel et les risques économiques associés à certaines options.
Effets attendus et points de vigilance
Les options présentées visent à réduire les distorsions identifiées par le CPO et à améliorer l’équité entre contribuables. Le rapport souligne toutefois que l’impact effectif des mesures dépendra des choix d’assiette, de seuils et de taux retenus, ainsi que des réactions possibles d’optimisation fiscale et des contraintes constitutionnelles.








