Introduction
Les comportements des animaux en présence de cadavres ou de situations liées à la mort incluent des réactions variées : simulation de mort, isolement volontaire, rassemblements autour d’un congénère mort et comportements de deuil apparents. La biologiste Emmanuelle Pouydebat, auteure de l’ouvrage Les oiseaux se cachent-ils pour mourir ? (éd. Delachaux et Niestlé), résume plusieurs observations et interroge les interprétations possibles de ces comportements.
Exemples d’observations
- Au Botswana en 2018, une femelle hippopotame a tenté de maintenir son petit mort à la surface d’une mare pendant onze heures, repoussant des crocodiles et produisant des bulles ; d’autres membres du groupe sont intervenus pour aider.
- Toujours en 2018, au large de la Colombie-Britannique (Canada), une orque surnommée Tahlequah a conservé son petit mort à la surface pendant 17 jours et sur près de 1 600 km, sans s’alimenter et en limitant les contacts sociaux, ce qui a exposé l’adulte à des risques de prédation.
- Certains hippocampes pratiquent la thanatose : une imitation de la mort utilisée comme mécanisme de défense lorsqu’ils ne peuvent ni fuir ni se cacher face à un prédateur.
- Chez certaines abeilles, des individus malades et contagieux quittent la colonie, un comportement décrit comme une éviction volontaire pouvant réduire le risque de transmission.
- Des corvidés (corbeaux, geais, pies) se rassemblent parfois autour de congénères morts et déposent des objets (plumes, bâtons, herbes) à proximité ; ces regroupements ont été interprétés comme des évaluations de risque, des signaux ou des réajustements des relations sociales.
Interprétations fonctionnelles
Plusieurs explications sont avancées pour ces comportements :
- Protection sanitaire : la détection de la mort permet d’éviter les pathogènes et de réduire le risque infectieux pour le groupe.
- Avantage adaptatif : identifier des individus morts peut améliorer la survie individuelle et collective en guidant des réactions défensives ou d’évitement.
- Réorganisation sociale : reconnaître la perte d’un individu peut modifier les liens sociaux au sein d’un groupe et influencer la coopération et la cohésion.
Limites des connaissances et approche scientifique
Les études sur la perception de la mort chez les animaux restent limitées pour plusieurs raisons :
- Contraintes éthiques rendant difficile la mise en place d’expérimentations contrôlées sur ce sujet.
- Difficulté d’interprétation des observations souvent ponctuelles, qui peuvent paraître anecdotiques.
- Réserves des chercheurs face à l’anthropomorphisme, crainte d’attribuer aux animaux des états mentaux humains sans preuves suffisantes.
Emmanuelle Pouydebat plaide pour la formulation d’hypothèses et la multiplication d’exemples et de contextes d’observation. Selon elle, la démarche scientifique consiste à observer, formuler des questions, tenter d’établir des protocoles pour y répondre et accepter que certaines questions puissent rester sans réponse.
Conclusion
Les observations décrites dans la littérature indiquent l’existence de comportements divers en lien avec la mort chez plusieurs espèces animales. Les interprétations privilégient des fonctions liées à la survie et à la vie sociale, mais la compréhension de ces phénomènes reste incomplète en raison de limites méthodologiques et épistémologiques. La recherche nécessite des données supplémentaires et des approches expérimentales et observationnelles adaptées.