Résumé
Trois associations — France Nature Environnement (FNE), CLCV (Consommation, logement et cadre de vie) et ClientEarth — ont déposé un recours devant le tribunal administratif de Paris visant à faire reconnaître la carence de l'État français dans la gestion du scandale dit « Dieselgate ». Elles demandent que le tribunal ordonne la mise en oeuvre de mesures sous six mois et prévoit une astreinte de 50 millions d'euros par semestre en cas d'inaction persistante.
Contexte du scandale
Le « Dieselgate » désigne l'installation, sur certains véhicules diesel, de dispositifs logiciels ou techniques permettant de réduire artificiellement les émissions mesurées lors des essais d'homologation en laboratoire par rapport aux émissions observées en conditions réelles. En 2015, Volkswagen a reconnu l'usage d'un tel logiciel sur plusieurs millions de véhicules. Des enquêtes et rapports ultérieurs ont pointé des pratiques similaires chez d'autres constructeurs.
Objet du recours et demandes des associations
Les associations requérantes estiment que l'État n'a pas pris, ou a trop tardé à prendre, les mesures nécessaires pour retirer du marché ou mettre en conformité les véhicules concernés et pour protéger la santé publique. Elles demandent au tribunal administratif de reconnaître cette défaillance et d'ordonner des actions concrètes (contrôles renforcés, mises en conformité, rappels) à mettre en oeuvre sous six mois, sous peine d'une astreinte financière de 50 millions d'euros par semestre.
Chiffres et études cités
Les requérantes s'appuient notamment sur une étude du Center for Research on Energy and Clean Air (CREA) qui attribue aux émissions excédentaires liées aux véhicules concernés environ 16 000 décès prématurés en France sur la période 2009‑2024, et un coût économique estimé à 101 milliards d'euros. Elles invoquent aussi des estimations de l'International Council on Clean Transportation (ICCT) indiquant que plusieurs millions de véhicules en France pourraient émettre des niveaux de NOx supérieurs aux limites réglementaires.
Les associations soulignent que des mesures de mise en conformité pourraient prévenir des milliers de décès et réduire l'incidence d'asthme infantile à long terme selon certaines projections.
Enquêtes et contrôles administratifs en France
Dans le cadre des règles européennes, la France a mis en place en 2020 un Service de Surveillance du Marché des Véhicules et des Moteurs (SSMVM) chargé de contrôler la conformité des véhicules. Selon les rapports et enquêtes cités par les associations, le nombre d'essais finalisés visant à détecter des dispositifs de trucage est resté limité (16 essais finalisés en 2023, 20 en 2024), et seules quelques décisions de mesures correctives ou de restrictions ont été prises pour un nombre restreint de modèles.
Des procédures de rappel ont été publiées pour des séries limitées de véhicules (par exemple, des rappels concernant plusieurs milliers de modèles identifiés dans des documents consultés par la cellule d'investigation). Globalement, le bilan mentionné par les organisations et les médias évoque des rappels touchant plusieurs dizaines de milliers de véhicules, alors que le parc éventuellement non conforme s'élèverait à plusieurs millions selon certaines évaluations.
Procédures judiciaires contre des constructeurs
Sur le plan pénal, le parquet de Paris a requis l'organisation de procès pour tromperie visant plusieurs groupes automobiles, dont Volkswagen, Peugeot‑Citroën, Renault et Fiat‑Chrysler. Les audiences et décisions définitives relèvent des magistrats en charge des instructions. Les constructeurs mis en cause contestent, à divers degrés, les éléments des procédures.
Positions des parties et réponses de l'administration
Les associations reprochent aux autorités un retard ou des mesures insuffisantes, ainsi qu'un manque de transparence sur l'avancement des enquêtes et les décisions prises. Elles rappellent avoir adressé des mises en demeure aux ministères compétents et estiment que leurs démarches administratives n'ont pas permis d'obtenir de réponses satisfaisantes.
Le ministère de la Transition écologique indique avoir contrôlé plusieurs dizaines de modèles et rappelle que des échanges et contestations des constructeurs peuvent ralentir la mise en œuvre de mesures. Il souligne par ailleurs que certaines procédures ont été conduites de manière confidentielle pendant l'instruction.
Suite procédurale attendue
Le tribunal administratif de Paris doit examiner le recours et décider s'il reconnaît la carence de l'État. En cas de reconnaissance, le tribunal pourrait ordonner des mesures à mettre en place sous six mois et prévoir l'astreinte demandée. Parallèlement, les procédures pénales visant des constructeurs restent en cours et pourront influer sur les suites administratives.
Sources
Communiqués des associations requérantes, enquêtes de la cellule investigation de Radio France, articles du quotidien Le Monde, rapports de la DGCCRF et du SSMVM, études du CREA et évaluations de l'ICCT.