Contexte
Des dirigeants français et allemands se sont réunis à Berlin pour un sommet visant à renforcer la souveraineté numérique de l'Union européenne. L'objectif affiché était de réduire la dépendance aux grandes entreprises technologiques non européennes et d'encourager le développement des capacités industrielles et infrastructurelles européennes dans les domaines du cloud, de l'intelligence artificielle et des semi‑conducteurs.
Participants et déclarations
La rencontre a réuni des responsables politiques, des représentants de la Commission européenne et des dirigeants d'entreprises technologiques, parmi lesquels ont été cités Mistral et SAP. Le ministre allemand du Numérique, Karsten Wildberger, a souligné que le "message central" du sommet était que "l'Europe est prête à bâtir son propre avenir numérique", appelant à ce qu'elle agisse "plus vite" et "ensemble".
Le chancelier allemand a déclaré que "la souveraineté numérique coûte de l'argent, mais la dépendance numérique est encore plus chère". Le président français a défendu l'idée de concevoir des solutions européennes et a évoqué une "préférence européenne" pour la commande publique numérique, tout en reconnaissant des positions divergentes quant au risque de protectionnisme.
Enjeux technologiques
Les discussions ont porté sur plusieurs enjeux stratégiques pour l'autonomie numérique européenne :
Cloud computing : le secteur reste majoritairement contrôlé par des fournisseurs non européens (notamment Google, AWS et Microsoft). Des propositions visaient à développer des capacités européennes de cloud pour l'hébergement et le traitement des charges liées à l'intelligence artificielle.
Infrastructures et centres de données : des projets de méga-centres de données destinés à soutenir des usages intensifs de calcul ont été évoqués, ainsi que des aides publiques partielles pour combler un déficit de capacité.
Chaîne d'approvisionnement : la dépendance aux composants et aux semi‑conducteurs produits majoritairement en Asie a été identifiée comme un risque pour l'autonomie industrielle européenne.
Un incident technique majeur touchant un fournisseur d'infrastructures (Cloudflare) a été mentionné comme illustration de la vulnérabilité liée à la concentration de certains services.
Cadre réglementaire et mesures envisagées
Les participants ont évoqué des ajustements réglementaires visant à concilier protection des données et facilitation du développement technologique. Un paquet législatif mentionné comme "Digital Omnibus" a été cité comme cadre possible pour assouplir certaines règles afin de favoriser l'adoption et le déploiement de solutions d'intelligence artificielle et de services numériques.
Des voix ont plaidé pour un soutien accru aux logiciels open source, par un financement de la "stack" technologique (modèles, données, infrastructures) et par la réservation partielle de capacités de calcul publiques à ces projets.
Capacité et investissements
Des chiffres présentés lors des échanges soulignent un écart de capacité entre régions : la capacité des centres de données en Europe a été évaluée à environ 16 gigawatts, contre 48 gigawatts aux États‑Unis et 38 gigawatts en Chine. En marge des discussions, une inauguration de chantier d'un centre de données d'un montant estimé à 11 milliards d'euros a été mentionnée.
L'association professionnelle Bitkom a indiqué qu'environ 90 % des entreprises allemandes importatrices de biens ou services numériques se considèrent dépendantes de ces importations.
Propositions et positions
Les propositions formulées incluent :
- Soutien financier public partiel à la construction de capacités de calcul et de centres de données destinés à l'IA ;
- Encouragement à des partenariats industriels européens entre acteurs du logiciel et de l'IA ;
- Mesures réglementaires visant à accélérer le déploiement de l'IA tout en maintenant des protections sur les données personnelles ;
- Promotion d'une politique d'achat public favorisant les offres européennes, sous réserve de compatibilité avec le marché unique.
Questions en suspens et perspectives
Plusieurs questions restent ouvertes : l'ampleur et les modalités des financements publics, l'équilibre entre régulation et compétitivité, l'articulation entre préférence européenne et respect des règles commerciales, ainsi que le calendrier et la nature exacte des ajustements prévus dans le cadre du "Digital Omnibus". Le sommet a mis en évidence une volonté conjointe d'agir et a identifié des axes prioritaires, sans aboutir à une feuille de route opérationnelle pleinement détaillée dans la communication publique liée à la rencontre.








