Contexte et annonce
Le Premier ministre, Sébastien Lecornu, a annoncé lors de sa déclaration de politique générale la proposition de mettre en pause la mise en œuvre de la réforme des retraites adoptée en 2023. Le gouvernement a indiqué que l’arrêt de la montée de l’âge légal et du relèvement de la durée de cotisation ferait l’objet d’un texte présenté au Parlement et que, selon l’exécutif, aucun relèvement supplémentaire de l’âge légal n’interviendrait « jusqu’à janvier 2028 ». Le dépôt d’un amendement au projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) a été annoncé pour le mois de novembre.
Mesures annoncées et calendrier
La proposition gouvernementale prévoit la suspension, jusqu’à la date indiquée par l’exécutif, de la progression programmée de l’âge légal vers 64 ans et du relèvement du nombre de trimestres nécessaires pour partir à taux plein. Selon les explications fournies par Bercy et Matignon :
- L’âge légal resterait fixé à 62 ans et 9 mois pour les générations immédiatement concernées par la pause.
- La durée d’assurance resterait à 170 trimestres pour les générations visées, alors que la loi de 2023 prévoyait un relèvement progressif pour certaines générations.
- Si aucune autre réforme n’est votée d’ici la reprise, l’application de la réforme reprendrait ensuite, avec un décalage d’un trimestre pour les générations suivantes et une progression conforme au calendrier technique décrit par l’exécutif.
L’exécutif précise qu’environ cinq générations de futurs retraités (chiffrées à environ 3,5 millions de personnes) bénéficieraient d’un trimestre supplémentaire par rapport au calendrier initial.
Conséquences techniques pour les générations
Selon le scénario présenté :
- La génération 1964 verrait son âge de départ correspondre à 62 ans et 9 mois au lieu de 63 ans selon le calendrier antérieur, avec 170 trimestres requis.
- L’application différée de la réforme concernerait ensuite les générations suivantes (notamment la génération 1965) avec un décalage d’un trimestre par rapport au calendrier prévu par la loi de 2023.
- Les premières cohortes devant attendre l’âge de 64 ans conformément au texte de 2023 verraient leur calendrier repoussé d’un an selon la précision apportée par l’exécutif.
Ces mécanismes tiennent à la synchronisation entre âge légal et durée de cotisation prévue par la législation existante et aux modalités d’arrêt et de reprise de l’« horloge » réglementaire.
Effets budgétaires indiqués
Le gouvernement a fourni des estimations de court terme associées à la suspension : un coût ponctuel évalué par l’exécutif à environ 400 millions d’euros en 2026 et à 1,8 milliard d’euros en 2027. D’autres acteurs évoquent des effets annuels sur le nombre de départs et sur les flux de cotisations ; la CFDT a mentionné un ordre de grandeur de 600 000 à 700 000 retraités pouvant bénéficier chaque année de la mesure pendant la période concernée.
Modalités législatives et points à trancher
Plusieurs options procédurales ont été évoquées :
- Un amendement au PLFSS présenté en novembre pour inscrire la suspension dans le cadre du budget de la Sécurité sociale.
- L’hypothèse d’un projet de loi distinct si le recours au PLFSS n’était pas jugé opportun ou possible dans les délais.
- La nécessité d’un vote parlementaire pour que la suspension s’applique ; si le PLFSS n’était pas adopté ou si son examen dépassait les délais constitutionnels, le recours à d’autres textes législatifs pourrait être envisagé.
Plusieurs questions techniques restent ouvertes et devront être précisées dans le texte retenu : la formulation exacte de la suspension, la date précise d’entrée en vigueur, la portée générationnelle et les modalités de reprise de la progression prévue par la réforme de 2023.
Réactions politiques et syndicales
Les principaux groupes et organisations ont exprimé des positions divergentes :
- Le Parti socialiste a conditionné une non-censure immédiate du gouvernement à l’engagement de suspension et a indiqué que, sous réserve du dépôt effectif du texte et du vote, il n’exclut pas d’autres actions si les engagements ne sont pas tenus.
- La France insoumise et le Rassemblement national ont maintenu des motions de censure.
- La CGT a demandé l’abrogation complète du relèvement à 64 ans et a jugé la suspension insuffisante.
- La CFDT a salué la suspension comme une avancée concrète pour certaines générations.
- FO, Solidaires et d’autres organisations ont formulé des critiques en demandant des mesures plus fortes ou un retour à des âges et durées antérieurs.
- Des organisations patronales, telles que le Medef, ont exprimé des réserves ou des critiques quant aux conséquences économiques et budgétaires.
Au Sénat, la suspension a été accueillie avec des critiques par des groupes favorables au maintien du calendrier initial, qui ont demandé des précisions sur la méthode et les conséquences.
Enjeux institutionnels et calendriers
Le gouvernement a déclaré vouloir confier davantage de questions sur la gouvernance et l’avenir du système de retraites aux partenaires sociaux et a proposé l’organisation d’une conférence sociale devant rendre des propositions "d’ici le printemps". Le Premier ministre a par ailleurs déclaré renoncer à recourir à l’article 49.3 pour les textes concernés et appelé au débat parlementaire.
La Commission européenne a souligné que la suspension comporte des implications budgétaires et a demandé des propositions complètes permettant d’évaluer l’impact sur la trajectoire des finances publiques.
Prochaines étapes
Les étapes identifiées par les autorités sont : le dépôt par le gouvernement de l’amendement annoncé au PLFSS en novembre, l’examen parlementaire de ce texte, la tenue éventuelle de la conférence sociale et la définition des modalités de gestion du système par les partenaires sociaux. La mise en œuvre effective de la suspension dépendra du vote parlementaire et des ajustements qui y seront apportés.