Cancers du sein et expositions professionnelles en France
Cet article examine les interrogations sur le lien entre certains cancers du sein et les conditions de travail en France, les critères de reconnaissance en maladie professionnelle, les limites des connaissances actuelles et les travaux en cours.
Contexte épidémiologique
Le cancer du sein est la principale cause de décès par cancer chez les femmes en France, avec environ 12 000 décès par an. Les facteurs de risque identifiés sont multiples et font l'objet d'études continues. Certaines expositions professionnelles sont évaluées comme susceptibles d'augmenter le risque de cancer du sein.
Classifications et résultats d'études
Le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC, agence de l'OMS) a classé en 2007 le travail de nuit parmi les expositions « probablement cancérogènes » et a classé les rayonnements ionisants (rayons X et gamma) comme « cancérogènes avérés ». Une expertise de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) en 2018 a indiqué que travailler de nuit plus de deux nuits par semaine pendant plus de dix ans était associé à une augmentation du risque, estimée à un facteur près de trois dans les conditions étudiées. L'exposition à certains produits chimiques est également évoquée comme facteur possible, mais les agents impliqués et leur ampleur d'effet restent à préciser.
Les cancers peuvent survenir plusieurs décennies après les expositions, ce qui complexifie les études et l'analyse des liens entre exposition professionnelle et maladie.
Reconnaissance comme maladie professionnelle
En France, une pathologie est reconnue comme maladie professionnelle lorsqu'elle résulte de l'exposition habituelle du travailleur à un risque physique, chimique ou biologique et figure dans l'un des tableaux du régime général ou agricole de la Sécurité sociale. Lorsque la pathologie ne figure pas dans un tableau, le lien entre travail et maladie est examiné par un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP). Dans ce cas, les médecins doivent établir l'existence d'un « lien direct et essentiel » entre l'activité professionnelle et la pathologie pour qu'une reconnaissance et une indemnisation soient accordées.
Jusqu'à présent, peu de cas de cancers du sein ont été reconnus comme maladies professionnelles. La première reconnaissance signalée s'est produite en 2023 pour une infirmière exposée aux rayonnements et ayant effectué des travaux de nuit pendant 28 ans.
Limites des connaissances et obstacles à la prévention
Plusieurs acteurs et observateurs soulignent des limites dans l'identification et la prévention des risques professionnels liés au cancer du sein. Parmi les obstacles mentionnés :
- nombre limité d'études centrées sur les femmes ;
- prépondérance d'études réalisées sur des populations masculines, sans prise en compte des variations hormonales et des différences physiologiques susceptibles d'influencer la réponse aux expositions ;
- recueil insuffisant de l'historique professionnelle lors des consultations médicales ;
- focalisation des campagnes de prévention sur des facteurs individuels de mode de vie (tabac, alcool, activité physique, alimentation) au détriment des facteurs d'exposition collectifs.
Des représentants syndicaux et des chercheurs ont exprimé que les conséquences du travail sur la santé des femmes ne font pas l'objet d'une attention suffisante dans les politiques publiques et la pratique médicale.
Travaux en cours et perspectives
L'Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) conduit des analyses des métiers et des expositions susceptibles d'engendrer un sur-risque de cancer du sein. Les facteurs étudiés incluent le travail de nuit, les rayonnements ionisants et certaines substances chimiques dont l'identification reste à préciser. Des conclusions de ces travaux ont été annoncées pour une échéance au plus tôt fin 2026.
Les travaux en cours visent à fournir des éléments d'expertise pouvant alimenter les négociations entre partenaires sociaux et les critères de reconnaissance des maladies professionnelles.