Résumé
Des études menées en milieu forestier montrent que les chimpanzés ingèrent quotidiennement de l’éthanol en consommant des fruits mûrs fermentés. Les travaux combinent des prélèvements de fruits consommés par ces primates et des mesures de concentrations en éthanol afin d’estimer l’exposition alimentaire à cette substance.
Contexte et hypothèse
L’hypothèse examinée établit un lien entre l’exposition chronique des primates frugivores à l’éthanol produit par la fermentation naturelle des fruits et l’émergence, chez les lignées ancestrales, d’adaptations métaboliques à l’alcool. Cette idée, parfois appelée « théorie du singe ivre », a été proposée par Robert Dudley et testée par des enquêtes empiriques récentes.
Méthodes
Les chercheurs ont collecté des fruits consommés par des chimpanzés sur des sites forestiers d’Afrique (Côte d’Ivoire et Ouganda). Ils ont mesuré les concentrations d’éthanol dans la pulpe des fruits mûrs et combiné ces valeurs avec des estimations des quantités de fruits ingérées quotidiennement par les primates pour calculer la dose journalière d’éthanol.
Résultats
La pulpe des fruits mûrs étudiés présentait en moyenne un peu plus de 0,3 % d’éthanol en masse. En combinant ces concentrations avec des estimations de consommation, les auteurs ont évalué une ingestion d’environ 14 grammes d’éthanol par jour pour un chimpanzé type. Rapportée à la masse corporelle humaine, cette quantité a été comparée à l’équivalent d’une pinte de bière pour un adulte plus lourd que le chimpanzé. Les chercheurs soulignent que l’éthanol est fortement dilué dans la nourriture et ingéré dans le cadre d’un régime frugivore.
Interprétation et portée
Les résultats indiquent une exposition régulière et physiologiquement notable des chimpanzés à l’éthanol d’origine alimentaire. Ces observations apportent des éléments en faveur de l’hypothèse selon laquelle une exposition répétée à l’éthanol chez des ancêtres primates frugivores aurait pu contribuer à sélectionner des traits métaboliques facilitant la dégradation de l’alcool. Néanmoins, les données ne permettent pas d’affirmer que les chimpanzés recherchent activement les fruits les plus alcoolisés ni d’identifier des effets comportementaux précis liés à cette exposition.
Questions ouvertes et limites
Les études présentées ne déterminent pas si les chimpanzés manifestent une préférence pour des fruits à teneur plus élevée en éthanol. Les conséquences biologiques et comportementales d’une exposition chronique à ces niveaux d’éthanol chez les chimpanzés restent mal connues. Enfin, les estimations reposent sur des mesures ponctuelles de concentration et sur des hypothèses concernant les quantités ingérées, ce qui introduit des incertitudes importantes dans le calcul des apports journaliers.
Conclusion
Les travaux rapportés montrent que l’ingestion d’éthanol via des fruits fermentés est une composante régulière de l’alimentation des chimpanzés sur les sites étudiés. Ces observations nourrissent les discussions sur l’origine évolutive de l’exposition humaine à l’alcool et sur d’éventuelles adaptations métaboliques, tout en appelant à des recherches complémentaires pour préciser les mécanismes et les conséquences de cette exposition.