Contexte
L'étude Aspire (Accès aux soins, Santé et Prostitution) a été publiée le 25 novembre 2025. Elle a été conduite en partenariat avec l'Inserm et Sorbonne Université et pilotée par le Mouvement du Nid. L'enquête vise à décrire l'état de santé physique et mental de personnes majeures en situation de prostitution ou l'ayant été.
Méthodologie
L'étude a porté sur 258 personnes recrutées dans une trentaine de villes. Le questionnaire et les entretiens ont été réalisés par une équipe composée de chercheuses, de membres du Mouvement du Nid, de personnes accompagnées par l'association et de cliniciennes spécialisées en psychotraumatisme.
Composition de l'échantillon
Parmi les 258 répondants, 238 se définissent comme femmes, 12 comme personnes trans et 8 comme hommes.
Principaux résultats chiffrés
- 95 % des personnes interrogées déclarent avoir subi au moins une forme de violence.
- 85 % indiquent avoir subi une violence sexuelle.
- 85 % rapportent avoir été forcées à des actes par un client au moins une fois.
- 65 % déclarent avoir été violentées physiquement et forcées par leurs proxénètes à des actes contre leur volonté.
Santé physique
- 68 % des personnes rapportent entre un et six problèmes de santé somatiques, citant notamment hypertension, diabète, troubles digestifs et infections urinaires.
- En santé sexuelle, 66 % déclarent se faire dépister au moins une fois par an.
- 59 % déclarent avoir eu recours à une interruption volontaire de grossesse au moins une fois, chiffre mis en regard d'un taux de 22 % déclaré pour la population féminine générale dans les comparaisons mentionnées par l'étude.
- 27 % déclarent avoir subi une excision.
- 5,5 % mentionnent un usage de substances psychoactives (hors tabac, alcool et cannabis) au cours de l'année précédente.
Santé mentale
- 62,5 % présentent des symptômes compatibles avec un syndrome de stress post-traumatique. L'étude compare ce taux aux prévalences citées pour la population générale (5 à 12 %) et pour des militaires ayant participé à un conflit (environ 25 % selon les références utilisées dans l'étude).
- 50 % souffrent de troubles dépressifs selon les critères utilisés dans l'enquête.
- 72 % présentent au moins un trouble alimentaire et des troubles du sommeil.
Accès aux soins et obstacles
L'enquête identifie plusieurs obstacles à l'accès aux soins :
- barrière de la langue (96 % des personnes interrogées sont d'origine étrangère),
- précarité économique,
- violences médicales déclarées par des répondants,
- freins psychologiques tels que honte, crainte d'être jugé, tabou culturel sur la santé mentale et mécanismes psychiques liés aux agressions qui peuvent conduire à la culpabilisation.
Témoignage et expériences individuelles
L'étude inclut des récits de parcours. Un exemple rapporté concerne une personne qui s'était prostituée pendant ses études et n'avait pas évoqué cette situation auprès des professionnels de santé. Selon ce témoignage, la période de prostitution a été associée à une aggravation de symptômes dépressifs, à des conduites d'automutilation et à une consommation accrue d'alcool, qui n'ont été décrites en termes clairs qu'après la sortie de la situation de prostitution.
Préconisations formulées
Les recommandations de l'étude portent principalement sur :
- la formation des professionnel·le·s de santé aux conséquences psychotraumatiques de la prostitution et à la lecture clinique des symptômes de trauma (dissociation, déni, conduites d'évitement, mise en danger),
- l'amélioration de l'accès à l'aide médicale d'État (AME) lorsque pertinent, l'étude signalant des refus rapportés,
- le renforcement des ressources en psychologues et psychiatres,
- l'augmentation du nombre de centres régionaux spécialisés dans le psychotraumatisme.
Observations finales
Les résultats de l'enquête proposent une description structurée des problématiques de santé déclarées par les personnes enquêtées et des obstacles rencontrés pour accéder aux soins. L'étude formule des propositions visant à adapter les parcours de soins et les dispositifs de prise en charge aux besoins identifiés.








