Contexte
Plusieurs recherches récentes ont évalué les liens entre l'exposition maternelle à des substances chimiques et des issues à la naissance ainsi que des troubles du développement chez l'enfant. Deux familles de composés sont principalement concernées : les PFAS (substances per- et polyfluoroalkylées), persistantes dans l'environnement, et certains phénols, notamment des substituts du bisphénol A et certains parabènes, présents dans de nombreux produits de consommation.
PFAS : études épidémiologiques et résultats
Une étude publiée le 10 décembre 2025 dans la revue PNAS a analysé l'association entre la contamination par des sites industriels et des issues néonatales dans l'État du New Hampshire (États-Unis). Les auteurs ont identifié une quarantaine de sites industriels pollués et ont comparé des données sur plus de 10 000 grossesses des années 2010, en fonction de la résidence des mères par rapport aux sites (en amont ou en aval).
Les résultats rapportés incluent un accroissement relatif du risque de décès infantile avant un an de +191 %, une augmentation des naissances prématurées de 20 % et une hausse de 43 % du risque de faible poids à la naissance pour les populations vivant en aval des sites identifiés. Les auteurs précisent cependant que le nombre absolu de décès reste faible, ce qui tempère l'interprétation des pourcentages relatifs.
La méthodologie, basée sur la comparaison de populations selon la proximité de sites pollués, limite la capacité à isoler l'effet spécifique des PFAS d'autres polluants potentiellement émis par ces sites. Les PFAS sont décrits comme persistants et bioaccumulables, s'accumulant dans l'air, le sol, l'eau, la chaîne alimentaire et certains tissus humains.
Phénols et perturbateurs endocriniens : protocole et conclusions
Une étude publiée le 9 décembre 2025 dans Lancet Planetary Health a suivi plus de 1 000 grossesses conduites en France et en Espagne (cohortes de Grenoble et de Barcelone). Les chercheuses et chercheurs ont réalisé des mesures urinaires répétées jusqu'à 42 prélèvements par grossesse afin d'estimer l'exposition au cours de la grossesse, puis évalué les enfants vers l'âge de 9 ans au moyen de questionnaires renseignés par les parents.
Les auteurs rapportent qu'une exposition maternelle en fin de grossesse au bisphénol S a été associée à une augmentation de troubles comportementaux (anxiété, agressivité, inattention) chez les garçons. Le méthylparabène a été lié, dans certaines analyses, à une hausse de troubles comportementaux touchant les deux sexes. Les effets individuels observés sont modestes, mais les auteurs soulignent que, du fait de l'exposition répandue, ces effets peuvent avoir une portée au niveau de la population.
Les phénols étudiés sont éliminés plus rapidement de l'organisme que les PFAS, ce qui a des implications pour l'interprétation des mesures biologiques et pour les stratégies de réduction de l'exposition.
Limites méthodologiques et interprétation
Les deux études reposent sur des méthodes observationnelles (analyses de cohortes, mesures d'exposition environnementale ou biologique, corrélations avec des indicateurs de santé). De telles approches permettent d'identifier des associations mais ne permettent pas d'établir une relation causale définitive. Parmi les sources de confusion possibles figurent la coexposition à plusieurs polluants, des différences sociodémographiques entre groupes comparés et la variabilité des expositions individuelles.
Par ailleurs, les résultats portant sur des événements rares (notamment le décès infantile) doivent être interprétés en tenant compte des effectifs et des intervalles de confiance. Pour les indicateurs comportementaux, l'utilisation de questionnaires parentaux et de scores composites entraîne des limites en termes de précision et de comparabilité.
Conséquences et perspectives
Les auteurs recommandent de renforcer les études épidémiologiques pour préciser les effets et leurs mécanismes, d'évaluer les substituts chimiques et d'envisager des adaptations réglementaires ciblées sur des familles de substances plutôt que sur des molécules isolées. Parmi les préconisations figurent la constitution de cohortes de grande taille et la mise en œuvre d'actions visant à réduire l'exposition maternelle pendant la grossesse.
À l'échelle individuelle, des recommandations de prudence ont été évoquées (réduction de l'utilisation de certains plastiques et de produits susceptibles de contenir des phénols), sans que ces mesures ne remplacent des décisions réglementaires fondées sur des preuves complémentaires.
Ces travaux apportent des éléments nouveaux sur les expositions environnementales pendant la grossesse et leurs associations possibles avec des issues néonatales et développementales, tout en soulignant la nécessité d'études complémentaires pour préciser la nature et l'ampleur des risques.








