Contexte
Le 16 octobre 2025, la Haute représentante de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Kaja Kallas, a présenté à Bruxelles une feuille de route pour renforcer les capacités de défense de l'Union européenne. Cette initiative répond à des incursions de drones détectées dans l'espace aérien de plusieurs États membres et à des évaluations faisant état de lacunes dans les moyens de détection et d'interception.
Propositions principales
La Commission européenne a identifié quatre projets dits « phares » :
- une initiative européenne de défense contre les drones, visant la détection, le traçage et la neutralisation de drones hostiles ;
- une surveillance renforcée du flanc oriental de l'Union, pour consolider la sécurité des frontières orientales sur terre, dans les airs et en mer ;
- un bouclier aérien européen destiné à protéger contre les missiles et autres menaces aériennes ;
- un bouclier spatial européen visant à protéger les infrastructures et services spatiaux européens.
La feuille de route détaille des objectifs de calendrier et des jalons, avec des échéances et des ambitions opérationnelles prévues pour la période 2027–2030.
Capacités et méthodes proposées
L'initiative antidrones couvre plusieurs fonctions : la détection (radars, capteurs terrestres et acoustiques, capacités satellitaires), l'identification et la classification, puis la neutralisation (moyens cinétiques, systèmes laser, brouillage électronique, drones intercepteurs). Les projets devront être conçus en coopération avec l'OTAN et tirer parti de l'expérience opérationnelle et industrielle accumulée en Ukraine.
Répartition des responsabilités
La Commission européenne se positionne comme coordinatrice et facilitatrice. Les décisions d'achat et de déploiement resteront de la responsabilité des États membres. Le commissaire européen à la Défense a indiqué que la Commission encouragera des acquisitions conjointes et l'interopérabilité des matériels. L'Agence européenne de défense est appelée à jouer un rôle renforcé dans la mise en œuvre et les développements conjoints.
Financement et estimations budgétaires
Les responsables européens ont présenté des estimations pour les besoins capacitaires et le financement : une projection de dépenses de défense à long terme estimée à 6 800 milliards d'euros sur dix ans, et un chiffrage préalable d'environ 800 milliards d'euros nécessaire pour atteindre un niveau de défense qualifié de « crédible » d'ici 2030. Les sources de financement possibles incluent des crédits nationaux, des marges identifiées au sein des fonds européens (quelque 300 milliards d'euros mentionnés comme non engagés) et l'instrument de prêts SAFE, doté d'environ 150 milliards d'euros.
Des initiatives locales, lancées par la Pologne et les pays baltes, ont été évoquées comme exemples, avec des coûts initiaux souvent inférieurs au milliard d'euros.
Réactions et débats
Plusieurs États membres ont exprimé des réserves, interrogeant la compétence de la Commission pour conduire des projets militaires et demandant que les États conservent le contrôle des achats et des calendriers. Des pays du sud de l'Europe ont réclamé des garanties d'accès aux programmes, craignant une concentration géographique des capacités sur le flanc oriental.
Des responsables militaires ont souligné la complexité technique et opérationnelle de la menace posée par les drones. Le chef d'état-major de l'armée de Terre française a estimé qu'une défense uniquement fondée sur un « mur » serait insuffisante et a plaidé pour une combinaison de moyens de détection et d'interception.
Prochaines étapes
La feuille de route était prévue pour être discutée par les dirigeants des États membres lors d'un sommet européen à Bruxelles la semaine suivant la présentation. Les décisions à prendre incluent l'éventuelle approbation des projets phares, la désignation des responsables de leur mise en œuvre et la définition des calendriers et modalités de financement.
Points d'interface internationaux
La Commission et la Haute représentante ont exprimé la volonté de coordonner ces initiatives avec l'OTAN et d'exploiter l'expertise opérationnelle et industrielle partagée, notamment l'expérience acquise par l'Ukraine dans le développement et l'emploi de drones et de contre-mesures.
Enjeux principaux
Les enjeux identifiés comprennent l'interopérabilité des matériels entre États membres, la rapidité de déploiement des capacités, la disponibilité des financements publics et la résilience des chaînes d'approvisionnement pour les composants critiques. Le document insiste sur la nécessité d'une coopération étroite entre capitales pour réaliser des économies d'échelle et réduire les vulnérabilités capacitaires.