Historique et contexte
La Journée Saba Saba, qui signifie "Sept, sept" en swahili, est célébrée chaque année au Kenya le 7 juillet. Elle commémore le soulèvement populaire du 7 juillet 1990, lorsque les Kényans ont manifesté pour demander l'instauration du multipartisme sous le régime autocratique de Daniel arap Moi, au pouvoir de 1978 à 2002.
Cette année, la commémoration a pris une tournure particulièrement intense, s’inscrivant dans une plus large vague de contestation qui dure depuis plus d’un an. Cette vague de protestation cible la présidence de William Ruto, avec des griefs centrés autour de problématiques comme la fiscalité, la corruption, les disparitions forcées et les violences policières.
Manifestations et émeutes
Le 7 juillet 2025, des manifestations ont provoqué des tensions croissantes à Nairobi et ses environs. Dans la matinée, le centre-ville de Nairobi, habituellement animé, était presque déserté, marqué par la fermeture de nombreux commerces et la présence discrète de quelques passants. Cette situation a été attribuée à la tension associée aux manifestations prévues.
Les affrontements les plus notables se sont produits en périphérie de la capitale, où des groupes de jeunes ont lancé des pierres sur les forces de l'ordre, qui ont riposté avec des gaz lacrymogènes. La police a été déployée en nombre, dressant des barricades pour contenir les manifestants. Les jeunes protestataires scandaient "Ruto doit partir" et "Wantam", en référence à un unique mandat présidentiel, tout en causant des dégradations et des pillages dans certaines zones.
Ailleurs dans le pays, des manifestations moins importantes ont également eu lieu, souvent dispersées à l'aide de canons à eau par la police.
Réactions et conséquences
Ces événements font suite à des manifestations similaires qui se sont déroulées le 25 juin 2025, lesquelles ont également dégénéré en affrontements et en pillages. À cette occasion, 19 personnes ont été tuées et 500 ont été arrêtées. L'exécutif a affirmé avoir empêché un coup d'État lors de ces manifestations, tandis que les manifestants accusaient le gouvernement de manipuler le mouvement à l’aide de vandales armés.
Le mouvement de protestation s’inscrit dans une demande plus large pour le retrait d'une loi budgétaire controversée, ainsi que le départ du Président Ruto, élu en 2022. Beaucoup de manifestants sont issus de la Génération Z, urbains et connectés, qui réclament de meilleures conditions de vie et des réformes économiques urgentes.
Critiques et analyses
Les violences policières répétées à l’encontre des manifestants ont soulevé un tollé tant à l'échelle nationale qu'internationale. En juin, la mort en détention d'un enseignant critique envers la police a ravivé la colère publique, tout comme la mort d’un vendeur touché par une balle perdue début juillet.
Des ONG internationales telles que Human Rights Watch et Amnesty International ont critiqué la gestion des manifestations par le gouvernement kényan, appelant à des enquêtes indépendantes et transparentes. L'ONU a également exprimé sa préoccupation quant à l’usage disproportionné de la force par la police.
Pour des observateurs comme Gabrielle Lynch, spécialiste de l’Afrique, la réaction violente du gouvernement rappelle celle des années 1990, soulignant une prise de conscience insuffisante des transformations politiques et sociales contemporaines au Kenya.