Introduction
Une série de trois articles publiée dans The Lancet le 18 novembre par un collectif de 43 experts examine les caractéristiques, les effets sanitaires et les réponses politiques envisageables face aux aliments ultra‑transformés (AUT). Le premier article synthétise les preuves épidémiologiques, le deuxième propose des mesures politiques visant à réduire la part des AUT dans l’alimentation, et le troisième analyse les facteurs industriels à l’origine de leur diffusion.
Définition
Les aliments ultra‑transformés (AUT) sont définis, selon la formulation retenue par les auteurs, comme des produits ayant subi d’importants procédés de transformation (chimique, physique, biologique) et formulés à partir d’ingrédients industriels (par exemple huiles hydrogénées, isolats de protéines, sirop de glucose‑fructose) ainsi que d’additifs alimentaires dits «cosmétiques» (colorants, édulcorants artificiels, émulsifiants). Ces produits se distinguent des aliments peu transformés ou préparés à partir d’ingrédients bruts.
Diffusion des AUT
Les auteurs indiquent que ce type d’alimentation remplace progressivement les régimes traditionnels dans de nombreuses régions du monde et tend à se diffuser là où il n’est pas encore dominant. Les déterminants incluent la disponibilité, le prix, et le marketing ciblé.
Synthèse des preuves épidémiologiques
La série comprend une revue systématique et une méta‑analyse intégrant 104 études longitudinales. Parmi elles, 92 ont rapporté une association entre une consommation élevée d’AUT et un risque accru de développer au moins une maladie chronique. Les associations les plus fréquemment documentées concernent : le surpoids et l’obésité (y compris l’obésité abdominale), le diabète de type 2, la dyslipidémie, les maladies cardiovasculaires (hypertension, coronaropathies), les maladies cérébrovasculaires, ainsi que des liens signalés avec l’insuffisance rénale chronique, la maladie de Crohn, la dépression et la mortalité toutes causes.
Les auteurs soulignent toutefois les limites des données observationnelles et appellent à des études complémentaires pour mieux caractériser la causalité et les mécanismes sous‑jacents.
Mécanismes biologiques et nutritionnels proposés
Plusieurs mécanismes, possiblement concomitants, sont avancés pour expliquer les associations observées :
- déséquilibres nutritionnels (apports élevés en graisses saturées, sucres ajoutés et sel) ;
- suralimentation favorisée par la densité énergétique et les caractéristiques organoleptiques des produits ;
- réduction de l’apport en composés protecteurs présents dans les aliments peu transformés ;
- exposition à des contaminants liés aux procédés industriels ou au conditionnement ;
- effets potentiels des additifs et des interactions entre additifs ;
- conséquences physiopathologiques telles qu’une inflammation chronique, une dysbiose du microbiote intestinal, et des perturbations métaboliques pouvant affecter le foie ou les reins.
Mesures politiques proposées
Les auteurs présentent plusieurs options de politiques publiques destinées à réduire la part des AUT dans l’alimentation :
- réduire la teneur des produits en graisses saturées, en sel et en sucres ajoutés ;
- interdire ou restreindre la fourniture d’AUT dans les institutions publiques (écoles, hôpitaux) ;
- limiter la vente et l’espace réservé aux AUT dans les commerces ;
- réguler la publicité ciblée, en particulier celle visant les enfants ;
- instaurer des systèmes d’étiquetage indiquant le degré d’ultra‑transformation des produits.
Les auteurs recommandent que ces mesures soient combinées et coordonnées pour être efficaces, en lien avec d’autres politiques alimentaires et sociales.
Facteurs industriels et appel à une réponse coordonnée
La série analyse aussi les déterminants commerciaux de la diffusion des AUT : utilisation d’ingrédients peu coûteux, procédés industriels économes, conception des produits pour stimuler la consommation, et marketing intensif. Les auteurs citent un chiffre d’affaires mondial élevé pour ce secteur (environ 1 900 milliards de dollars selon les sources évoquées) et estiment nécessaire une réponse coordonnée en santé publique au niveau international pour promouvoir des systèmes alimentaires favorables à la santé.
Conclusion
Les auteurs recommandent de poursuivre les travaux de recherche sur les effets des AUT et d’engager des mesures de santé publique visant à réduire l’exposition des populations à ces produits, en combinant régulation, politiques fiscales, éducation et réorganisation des approvisionnements institutionnels.








