Présentation
Les habesha kemis sont des robes longues en coton, parfois ornées de broderies colorées, portées lors de fêtes et de cérémonies religieuses en Éthiopie. Elles font partie des vêtements traditionnels les plus identifiables du pays et sont généralement confectionnées pour des occasions particulières.
Production et techniques
La confection d'une habesha kemis repose sur un tissage manuel réalisé sur des métiers à tisser en bois. Le processus mobilise des navettes contenant des fils de coton et un mécanisme de pédales actionné au pied. Les modèles simples demandent environ une semaine de travail ; les modèles brodés exigent près du double de temps, la broderie étant souvent réalisée séparément avec des fils de coton ou de soie multicolores.
Lieux de production
Des ateliers spécialisés se concentrent dans certains quartiers d'Addis Abeba, notamment Shiromeda, identifié comme un centre de production textile. Ces ateliers regroupent des tisserands et des brodeurs qui répètent des gestes techniques transmis de maître à apprenti.
Conditions de travail et rémunération
Les tisserands décrivent des journées de travail d'environ neuf heures, six jours par semaine. Des témoignages indiquent des revenus mensuels bruts de l'ordre de 10 000 à 15 000 birrs, avant déduction du coût des matières premières et des frais d'atelier. Le travail en atelier est majoritairement assuré par des hommes, bien que des femmes participent également à certaines étapes, notamment la broderie.
Pressions économiques et concurrence
Le secteur subit une baisse de la demande liée à plusieurs facteurs : la hausse des prix qui réduit le pouvoir d'achat — l'inflation a été estimée autour de 21,5 % en 2025 — et la concurrence des produits industrialisés, parfois importés de l'étranger. Ces évolutions ont conduit à la fermeture de certains ateliers et à la reconversion de certains artisans. Des mesures administratives visant à limiter certaines importations ont été évoquées mais la concurrence reste vive.
Conséquences sur la transmission du savoir
Plusieurs tisserands expérimentés déclarent qu'ils n'envisagent pas de transmettre la compétence du tissage aux générations suivantes. Parmi les jeunes, certains perçoivent le métier comme offrant peu de perspectives économiques et se tournent vers d'autres activités, mettant en péril la transmission des techniques traditionnelles.
Marché et comportements d'achat
Les habesha kemis tissées à la main peuvent atteindre des prix élevés par rapport au revenu moyen local, ce qui restreint la clientèle locale aux achats liés aux événements familiaux ou religieux (mariages, célébrations). Une part de consommateurs privilégie néanmoins la qualité artisanale pour des occasions particulières, tandis qu'une autre se tourne vers des produits industrialisés, moins coûteux.
Impact et trajectoire récente
La combinaison de la hausse des prix, de l'arrivée de produits industrialisés et de la baisse de la demande a entraîné une diminution de l'activité dans certains ateliers et une perte de praticiens qualifiés. À terme, ces dynamiques menacent la disponibilité des artisans compétents et la survie des savoir-faire traditionnels de tissage et de broderie en Éthiopie.