Les pénuries de médicaments se multiplient dans l'Union européenne et affectent plusieurs catégories thérapeutiques, avec un impact notable sur l'organisation du travail des pharmaciens et l'accès des patients à certains traitements.
Données et ampleur
Un rapport de la Cour des comptes européenne a recensé 136 pénuries critiques de médicaments dans l'UE pour la période janvier 2022 à octobre 2024, incluant notamment des antibiotiques et des traitements pour les crises cardiaques. La Belgique figure parmi les États membres les plus touchés, avec une douzaine de pénuries critiques notifiées en 2024 à l'Agence européenne des médicaments (EMA).
Parmi les familles de produits signalées figurent des antalgiques courants (paracétamol, ibuprofène), certains antibiotiques et des bronchodilatateurs contenant du salbutamol.
Causes identifiées
Chaînes d'approvisionnement et délocalisation L'étude met en évidence des tensions sur les chaînes d'approvisionnement et une production externalisée vers des pays à bas coût. Selon les données citées, l'Europe dépend de fournisseurs asiatiques pour une part importante de ses intrants : environ 70 % des substances actives et 79 % des précurseurs de médicaments.
Facteurs internes à l'Union Plusieurs éléments internes à l'UE contribuent aux déséquilibres d'approvisionnement : les prix des médicaments, négociés au niveau national, peuvent inciter les fabricants à privilégier les livraisons vers les marchés les mieux rémunérés ; les quantités distribuées peuvent être ajustées pour limiter les réexportations. Par ailleurs, les exigences d'autorisation et d'emballage restant principalement nationales peuvent entraîner des ruptures localisées malgré une disponibilité dans les pays voisins.
Conséquences pour les pharmaciens et les patients
Des professionnels signalent une augmentation du temps consacré à la gestion des ruptures de stock. L'organisation professionnelle des pharmaciens européens (PGEU) indique qu'en 2024 les pharmaciens ont consacré en moyenne 11 heures par semaine à ces tâches, soit environ trois fois plus qu'il y a dix ans. Un distributeur intervenant en Belgique rapporte qu'environ 40 % des officines du pays sont approvisionnées par ses équipes et que, sur un million de demandes traitées annuellement, une part importante — mentionnée comme 70 % — concerne des problématiques liées aux pénuries.
Pour les patients, ces ruptures peuvent entraîner des délais dans la dispensation des traitements, la nécessité de substitutions thérapeutiques et une augmentation des consultations ou des notifications répétées de la part des pharmacies.
Mesures proposées et état des décisions
La Commission européenne a proposé, en mars, une initiative législative visant à soutenir la production de médicaments jugés critiques par des incitations financières. Elle a également présenté, en juillet, une stratégie d'approvisionnement destinée à mieux coordonner les stocks et à constituer des réserves pour les situations de crise. Ces propositions nécessitent l'accord du Parlement européen et des États membres pour être mises en œuvre.
Situation en cours
Les mesures proposées sont actuellement en cours d'examen au niveau européen. Pendant la phase décisionnelle, les acteurs de la distribution pharmaceutique et les officines adaptent leurs pratiques pour gérer les ruptures et informer les patients.