Contexte
Le vol AF447 reliant Rio de Janeiro à Paris s'est abîmé au-dessus de l'océan Atlantique le 1er juin 2009. L'accident a causé la mort de 228 personnes, dont 216 passagers et 12 membres d'équipage. L'appareil était un Airbus A330 immatriculé F-GZCP. Des passagers de 33 nationalités se trouvaient à bord, parmi lesquels 72 ressortissants français et 58 brésiliens.
Les enquêtes techniques ont identifié le givrage des sondes de vitesse (sondes Pitot) à haute altitude comme le point de départ de la perte des données de vitesse, situation à l'origine de la désorientation de l'équipage et de la perte de contrôle de l'appareil. L'épave a été localisée et les enregistreurs de vol ont permis d'établir la chronologie des événements menant à l'impact.
Procédure judiciaire
Airbus (concepteur et constructeur) et Air France (compagnie exploitante) ont été renvoyés devant la justice pour des faits d'homicides involontaires. Le tribunal correctionnel de Paris a rendu un jugement de première instance le 17 avril 2023 qui a relaxé les deux personnes morales sur le plan pénal, tout en reconnaissant leur responsabilité civile.
Le dossier a été soumis à la cour d'appel de Paris. Lors des audiences en appel, le parquet général a présenté ses réquisitions visant à l'infirmation du jugement de première instance et à la condamnation pénale d'Airbus et d'Air France.
Réquisitions et arguments du parquet général
Le parquet général, représenté par les avocats généraux Rodolphe Juy-Birmann et Agnès Labreuil, a requis l'infirmation du jugement et la condamnation des deux sociétés au chef d'homicide involontaire. Les magistrats ont qualifié la ligne de défense des prévenus d'"indécence" dans le réquisitoire qu'ils ont présenté devant la cour.
Les éléments retenus par le parquet général sont les suivants :
- à l'égard d'Airbus : sous-estimation de la gravité des défaillances des sondes Pitot, défaut d'information des exploitants et absence de mesures d'alerte et d'information d'urgence susceptibles de permettre une réaction adaptée des équipages ;
- à l'égard d'Air France : insuffisance de la formation des équipages concernant la conduite à tenir en cas de gel des sondes Pitot et défaut d'information des pilotes sur la détection de ce type de dysfonctionnement.
Les avocats généraux ont estimé que ces fautes étaient caractérisées et avaient contribué à la survenance de l'accident. Ils ont demandé que les sociétés soient condamnées à la peine maximale applicable aux personnes morales pour ces faits, soit une amende de 225 000 euros chacune.
Le réquisitoire a duré près de cinq heures et a comporté des interventions visant également les familles des victimes. Le parquet a rappelé que, quelles que soient la peine prononcée et ses modalités, la sanction pénale applicable à des personnes morales est limitée par le code pénal.
Positions des parties et suite de la procédure
Airbus a indiqué qu'il prendrait acte du réquisitoire et y répondrait lors de ses plaidoiries. Le constructeur a également souligné son implication dans les enquêtes et les travaux techniques menés depuis l'accident afin de prévenir la répétition d'événements similaires.
Les avocats des sociétés ont présenté leurs plaidoiries à l'audience. La cour a mis les débats en délibéré et communiquera sa décision à une date ultérieure. Les magistrats ont également été saisis de demandes relatives à la restitution de scellés aux familles et à l'application de dispositions procédurales sur la prise en charge des frais de justice.
Cadre légal et conséquences possibles
En droit français, les personnes morales mises en cause pour homicide involontaire ne peuvent être condamnées qu'à des peines pécuniaires et des mesures complémentaires définies par la loi. Dans ce dossier, le parquet général a requis la peine d'amende maximale prévue pour les personnes morales concernées.
La décision de la cour d'appel interviendra après l'examen des plaidoiries des parties et sera notifiée à une date communiquée par la juridiction.








