Dépôt et objet de la proposition de loi
Le 19 novembre 2025, la sénatrice centriste Annick Billon a déposé au Sénat une proposition de loi visant à modifier le régime de prescription des infractions sexuelles commises sur des mineurs et à élargir la définition juridique de l'inceste.
Dispositions principales proposées
La proposition prévoit deux mesures principales :
- rendre imprescriptibles les viols commis sur des mineurs ;
- étendre la qualification d'inceste aux cousins germains pour les faits de viol et d'agression sexuelle.
Contexte législatif et recommandations
Le texte reprend plusieurs recommandations émises par la Commission indépendante sur les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise) dans son rapport de novembre 2023. Il intervient après l'évolution législative antérieure qui, depuis 2018 puis complétée en 2021, a adapté les règles de prescription applicables aux crimes sexuels commis sur des mineurs, notamment par l'introduction d'une prescription « glissante » permettant, dans certains cas, d'étendre la poursuite à des faits connexes non prescrits.
Motifs avancés par les auteurs du texte
Les promoteurs de la proposition invoquent les difficultés d'expression et de témoignage rencontrées par les victimes d'agressions sexuelles subies pendant l'enfance, liées à des mécanismes de silence, à la dépendance familiale et à des conséquences psychologiques qui retardent souvent le dépôt de plainte. Le texte vise également à reconnaître l'inceste comme une catégorie juridique distincte en raison du cadre familial dans lequel ces faits se produisent.
Arguments et réserves soulevés dans le débat public
La proposition suscite des positions contrastées. Ses soutiens estiment que l'imprescriptibilité permettrait d'assurer un accès à la justice aux victimes qui ne portent plainte qu'après de longues années. Ses opposants soulignent que l'allongement indéfini des délais complique l'établissement de preuves et la fiabilité des témoignages, ce qui pourrait accroître le risque de classements sans suite ou d'acquittements. Des inquiétudes sont également formulées concernant la charge supplémentaire pour les services d'enquête et judiciaires.
Données chiffrées et éléments factuels cités
Les textes citent des estimations issues de la Ciivise selon lesquelles quelque 160 000 enfants seraient victimes de viols ou d'agressions sexuelles chaque année en France. La proposition s'appuie en outre sur des données fournies par des associations qui signalent une proportion notable d'auteurs appartenant au cercle familial élargi, notamment des cousins germains.
Suite procédurale attendue
La sénatrice a exprimé l'espoir que la proposition soit inscrite à l'ordre du jour du Sénat ou que ses dispositions soient intégrées dans une loi-cadre relative aux violences sexuelles en préparation au niveau gouvernemental. Le texte fera l'objet d'examens parlementaires et de débats qui pourront décider de son adoption, de ses modifications ou de son intégration dans d'autres projets de loi.
Points de droit et implications
Sur le plan juridique, la mesure d'imprescriptibilité pour les viols sur mineurs soulève des questions de cohérence du droit pénal, puisque, en droit français, l'imprescriptibilité s'applique actuellement aux crimes contre l'humanité. Le débat porte également sur l'équilibre entre la protection des droits des victimes et les garanties liées à la preuve et au procès équitable.








