Résumé
Deux sujets entourant la santé et les comportements des jeunes ont fait l'objet de rapports et d'enquêtes présentés publiquement. Une commission d'enquête parlementaire a rendu des recommandations visant à limiter l'accès des mineurs aux réseaux sociaux et à encadrer leur usage. Parallèlement, l'Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT) a publié les résultats d'une enquête européenne montrant une baisse des consommations de tabac, de cannabis et, dans une moindre mesure, d'alcool chez les adolescents de 16 ans.
Commission d'enquête sur TikTok : objet et méthode
La commission d'enquête parlementaire consacrée aux effets psychologiques des réseaux sociaux, en particulier de l'application TikTok, a été lancée au printemps et a mené des auditions pendant plusieurs mois. Elle a entendu des familles de victimes, des responsables de plateformes, des experts et des influenceurs. Ses travaux ont donné lieu à un rapport adopté par la commission et présenté publiquement le 11 septembre 2025.
Constats relevés par la commission
La commission a identifié la concentration d'un nombre important de contenus problématiques sur certaines pratiques de recommandation automatique, ainsi que des effets possibles sur la santé des mineurs. Parmi les éléments mentionnés dans le rapport figurent :
- la présence de contenus liés au suicide, à l'automutilation ou à des comportements à risque ;
- la capacité des systèmes de recommandation à renforcer l'exposition répétée à certains types de contenus, ce que la commission qualifie de risque de « bulles » ou de « spirales » de contenus homogènes ;
- des impacts déclarés ou évoqués sur l'attention, le sommeil et l'estime de soi, en particulier chez les adolescentes ;
- des difficultés dans la modération des contenus, notamment en lien avec des évolutions des effectifs de modération reportées par les plateformes.
Le rapport reprend des données issues des rapports de transparence des plateformes, notamment une variation du nombre de modérateurs francophones de TikTok (-26 % entre septembre 2023 et décembre 2024 selon les éléments cités par la commission). La société exploitante a de son côté présenté des chiffres de modération automatisée, indiquant le retrait proactif d'une part importante de contenus enfreignant ses règles en France l'année précédente.
Recommandations principales
La commission formule 43 recommandations. Les principales propositions mentionnées dans le rapport sont :
- interdire l'accès aux réseaux sociaux aux mineurs de moins de 15 ans, hors services de messagerie simples ;
- instaurer un « couvre-feu numérique » pour les 15-18 ans rendant les réseaux sociaux inaccessibles entre 22h00 et 08h00 ;
- prévoir, à titre de levier supplémentaire, la possibilité d'étendre l'interdiction aux mineurs de moins de 18 ans si les plateformes ne respectent pas leurs obligations juridiques dans un délai fixé (trois ans selon le rapport) ;
- lancer une campagne d'information nationale sur les risques associés à certains usages des réseaux sociaux et renforcer l'éducation numérique dès l'école primaire ;
- envisager la création d'un délit qualifié de « négligence numérique » pour sanctionner des manquements graves des responsables parentaux, assorti de mesures d'accompagnement ;
- renforcer les obligations et les contrôles de vérification de l'âge à l'inscription et prévoir des sanctions dissuasives en cas de manquement aux obligations de protection des mineurs.
Audits, procédures et suites juridiques
Le rapport a été produit après des auditions et après le dépôt d'une assignation en justice contre TikTok par un collectif de familles en 2024. Le président de la commission a indiqué avoir saisi la procureure de la République sur la base d'éléments relevés dans le rapport, en demandant l'examen de possibles infractions. Les responsables de la plateforme ont contesté certaines conclusions du rapport et ont déclaré mettre en avant des dispositifs et des fonctionnalités destinés à la protection des jeunes.
Cadre réglementaire et difficultés techniques
Le rapport situe ses propositions dans le cadre du droit européen applicable aux services numériques (Digital Services Act, DSA) et évoque des lignes directrices récentes de la Commission européenne qui permettent à des États membres d'expérimenter des dispositifs de vérification d'âge. Le rapport note toutefois plusieurs obstacles techniques et juridiques :
- la mise en place d'un dispositif de vérification d'âge soulève des questions de faisabilité technique et de protection des données personnelles ;
- les plateformes exposent parfois des contraintes opérationnelles et juridiques pour la mise en œuvre de contrôles d'âge stricts ;
- des enjeux de proportionnalité et de liberté d'accès aux services numériques sont mentionnés comme points d'attention.
Enquête OFDT sur les consommations chez les 16 ans : méthode
L'OFDT a présenté les résultats d'une enquête européenne menée en 2024, réalisée tous les quatre ans dans 37 pays. L'échantillon total dépasse 113 000 jeunes de 16 ans, dont 3 376 répondants en France pour cette édition. Les indicateurs portent sur l'expérimentation et la fréquence d'usage du tabac, de l'alcool, du cannabis et d'autres substances.
Principaux résultats chiffrés (France)
Selon l'OFDT :
- 20 % des jeunes Français de 16 ans avaient déjà expérimenté le tabac en 2024 ; la part des 16 ans fumant quotidiennement est passée de 16 % en 2015 à 3,1 % en 2024 ;
- l'expérimentation du cannabis a diminué, passant d'environ 31 % en 2015 à environ 8,4 % en 2024 ;
- environ 70 % des adolescents de 16 ans avaient déjà essayé l'alcool en 2024 ; la prévalence des alcoolisations ponctuelles importantes (API) est signalée à 22 % en France ;
- l'expérimentation d'autres drogues illicites est estimée à 3,9 % en 2024 en France, contre 7,5 % en 2015.
L'OFDT souligne que la baisse observée entre 2015 et 2024 est significative dans de nombreux pays européens et particulièrement marquée en France.
Interprétations et mesures citées par l'OFDT
L'OFDT avance des éléments d'explication évoqués dans son rapport, notamment la « dénormalisation » du tabagisme et des politiques publiques (par exemple l'augmentation des prix du tabac) comme facteurs pouvant contribuer à la baisse de la consommation de tabac et, par corrélation, à une diminution de l'usage de cannabis chez les jeunes. Le rapport signale toutefois que la consommation d'alcool reste élevée selon certains indicateurs.
Points de convergence et de séparation entre les deux travaux
Convergence : les deux volets portent sur la santé et les comportements des mineurs et proposent des actions de prévention et d'information. Ils pointent la nécessité d'interventions publiques et de dispositifs de protection ou d'éducation.
Séparation : la commission d'enquête porte son analyse sur les effets des réseaux sociaux et formule des recommandations réglementaires et législatives spécifiques ; l'étude de l'OFDT porte sur des indicateurs épidémiologiques de consommation de substances et met en évidence des tendances d'évolution sur une période décennale.
Conclusion
Le rapport de la commission d'enquête et l'enquête de l'OFDT fournissent des éléments factuels distincts concernant la santé des jeunes : l'un s'intéresse à l'encadrement de l'accès et de l'usage des réseaux sociaux, l'autre documente une évolution des consommations de substances chez les adolescents. Les recommandations de la commission impliquent des changements législatifs et techniques qui devront être examinés dans le cadre du droit national et européen, et leur mise en œuvre dépendra d'évaluations complémentaires et de discussions entre pouvoirs publics, autorités de régulation et opérateurs de plateformes.