Contexte
L'immunothérapie regroupe des approches thérapeutiques qui mobilisent le système immunitaire pour reconnaître et éliminer les cellules tumorales. Contrairement à la chimiothérapie ou à la radiothérapie, ces approches ciblent les mécanismes de défense immunitaire plutôt que les cellules tumorales elles‑mêmes. Selon l'Inserm, une proportion importante de patients ne répond pas aux immunothérapies, et certains présentent des effets indésirables significatifs.
Mécanisme biologique étudié
Lors de la division cellulaire, des mutations peuvent apparaître dans le génome. Les cellules tumorales tendent à accumuler un nombre plus élevé de mutations en raison de leur taux de prolifération. Dans de nombreux cas, des mécanismes cellulaires de contrôle (par exemple, la dégradation des ARNm porteurs d'erreurs ou des blocages de la traduction) empêchent la synthèse de certaines protéines issues de mutations, limitant ainsi l'expression de défauts protéiques qui pourraient constituer des cibles pour le système immunitaire.
Approche expérimentale
Une équipe dirigée par Fabrice Lejeune a testé une stratégie consistant à contourner ces mécanismes pour permettre la production de protéines mutantes par les cellules tumorales. Les chercheurs ont utilisé la molécule 2,6‑diaminopurine (DAP), extraite du champignon Lepista flaccida, connue pour sa capacité à réactiver la production de protéines en présence de certaines mutations affectant la traduction.
Dans un modèle murin de cancer, l'administration de DAP a entraîné la synthèse de protéines mutantes spécifiques par les cellules tumorales. Ces protéines ont constitué des néo‑antigènes distincts des protéines normales, favorisant leur détection par le système immunitaire et déclenchant une réponse immunitaire ciblée. Dans ce modèle, le traitement a été associé à un ralentissement de la croissance tumorale.
Résultats et limites
Les observations indiquent qu'il est possible, dans un modèle animal, de générer des néo‑antigènes tumoraux exploitables par l'immunité en réactivant la production de protéines mutantes. Toutefois, ces résultats restent préliminaires : la sécurité, l'efficacité, la spécificité et la transférabilité de cette stratégie chez l'humain doivent être évaluées dans des études complémentaires. Les risques potentiels incluent des effets hors cible sur la traduction normale, des réponses auto‑immunes ou des toxicités liées à la DAP.
Conclusion
La modulation de la traduction protéique dans les cellules tumorales constitue une piste expérimentale intéressante pour améliorer la visibilité immunologique des tumeurs. Des investigations supplémentaires, incluant des études pharmacologiques et des essais précliniques plus larges, sont nécessaires avant toute application clinique.