Contexte et annonce
Le 14 octobre 2025, le Premier ministre Sébastien Lecornu a prononcé une déclaration de politique générale devant l'Assemblée nationale. Il a proposé au Parlement, « dès cet automne », de suspendre la réforme des retraites adoptée en 2023 jusqu'à janvier 2028, c'est‑à‑dire jusqu'après l'élection présidentielle. Il a annoncé parallèlement l'abandon de l'usage systématique de l'article 49, alinéa 3 de la Constitution pour les textes à venir.
Contenu de la suspension proposée
La suspension annoncée porte sur le relèvement de l'âge légal de départ et sur la durée d'assurance. Selon le Premier ministre, aucun relèvement de l'âge légal ne s'appliquera « à partir de maintenant jusqu'à janvier 2028 » et la durée d'assurance restera fixée à 170 trimestres jusqu'à la même échéance. Le gouvernement a précisé qu'un texte serait déposé au Parlement afin de mettre en œuvre juridiquement cette suspension.
Modalités parlementaires et calendrier
Le gouvernement a renoncé au recours systématique au 49.3, affirmant que le Parlement "aura le dernier mot" sur les textes présentés, y compris le projet de budget. Le projet de loi de finances pour 2026 et le projet de loi de financement de la sécurité sociale ont été examinés en Conseil des ministres le jour de l'annonce puis transmis au Parlement.
Deux motions de censure, déposées par La France insoumise (LFI) et le Rassemblement national (RN), devaient être examinées. Le Parti socialiste a indiqué qu'il ne voterait pas ces motions dans l'immédiat, se déclarant cependant vigilant quant à la traduction des engagements en actes.
Coût et contraintes budgétaires
Le Premier ministre a chiffré l'impact budgétaire de la suspension à environ 400 millions d'euros en 2026 et 1,8 milliard d'euros en 2027, en précisant que ces coûts devront être compensés par des économies et ne pourront pas se traduire par une augmentation significative du déficit public. Le projet de budget présenté vise un déficit de 4,7 % du PIB pour 2026 ; le gouvernement a indiqué que, à l'issue des débats parlementaires, le déficit devrait rester en deçà de 5 % du PIB.
Le Haut Conseil des finances publiques a estimé que les hypothèses de croissance retenues dans le projet de budget étaient optimistes.
Mesures complémentaires et calendrier politique
Le chef du gouvernement a annoncé l'organisation d'une "conférence sur les retraites et le travail" associant les partenaires sociaux, destinée à favoriser le dialogue et éventuellement à permettre la transposition d'un accord en loi avant la présidentielle. Il a également évoqué une contribution exceptionnelle des très grandes fortunes destinée à financer des investissements liés à la souveraineté nationale.
Parmi les autres priorités mentionnées figurent un projet de loi de décentralisation prévu en décembre et la transcription dans la Constitution de l'accord de Bougival relatif à la Nouvelle-Calédonie, assortie d'une consultation prévue au printemps 2026.
Réactions et positions politiques
Le Parti socialiste a salué la suspension et a choisi, provisoirement, de ne pas censurer le gouvernement, tout en se déclarant vigilant. La France insoumise, les écologistes et une majorité des communistes ont maintenu leur exigence d'abrogation et ont conservé leur intention de censurer le gouvernement. Le Rassemblement national a confirmé son intention de voter une motion de censure et a critiqué la stratégie du gouvernement. Les Républicains et Horizons se sont montrés divisés : certains responsables ont condamné la concession, d'autres ont exclu de soutenir immédiatement une motion de censure.
Les organisations syndicales ont des positions divergentes : certaines ont salué l'annonce, d'autres l'ont jugée insuffisante.
Observations juridiques et procédure
La suspension telle qu'annoncée nécessite une intervention législative pour modifier l'application de dispositions déjà votées. Le gouvernement a indiqué qu'il déposerait un texte et que le Parlement serait compétent pour en débattre et en décider.
Situation politique immédiate
À court terme, l'annonce a réduit la probabilité d'une censure immédiate par le Parti socialiste, mais le paysage parlementaire demeure fragmenté et les tensions entre groupes parlementaires persistent. L'examen du budget et la tenue de la conférence sur les retraites constituent les prochaines étapes susceptibles d'engager l'exécution et le contrôle de la décision annoncée.