Sonia Mejri, ressortissante française, a été renvoyée devant une cour d'assises spéciale pour être jugée pour des faits de génocide, pour complicité de crimes contre l'humanité et pour d'autres infractions terroristes. Les poursuites concernent des événements survenus au printemps 2015 en Syrie et se fondent notamment sur le récit d'une victime yazidie.
Faits allégués
Les charges portent sur l'acquisition et la détention, au printemps 2015, d'une adolescente yazidie âgée de 16 ans, qui aurait été soumise à un enfermement et à des violences. La victime a déclaré aux enquêteurs avoir été séquestrée pendant plus d'un mois en Syrie et ne pas avoir pu boire, manger ou se laver sans autorisation. Elle a également allégué des violences sexuelles et affirmé que le mari de Mme Mejri la violait quotidiennement.
Selon l'ordonnance de mise en accusation, Mme Mejri aurait détenu la clef de l'appartement où la victime était retenue et aurait porté une arme pour l'empêcher de fuir. L'accusation retient à son encontre des atteintes graves à l'intégrité physique et psychique de la jeune personne, commises dans des conditions considérées comme pouvant contribuer à la destruction, totale ou partielle, d'un groupe religieux ou ethnique.
Procédure judiciaire
Un juge d'instruction antiterroriste du tribunal de Paris a ordonné en septembre 2024 le renvoi aux assises de Sonia Mejri et d'Abdelnasser Benyoucef, présenté comme un émir de l'organisation État islamique, pour les faits reprochés.
La cour d'appel de Paris a ensuite partiellement infirmé ce renvoi en janvier. Par la suite, la Cour de cassation a jugé en mai qu'il est possible de poursuivre pour génocide en visant un seul membre d'un groupe lorsque s'oppose à ce groupe un "plan concerté tendant à sa destruction totale ou partielle". La chambre de l'instruction a avalisé début juillet la reprise des poursuites, puis la Cour de cassation a rendu une décision définitive le 1er octobre sur la non-admission d'un pourvoi, entraînant le maintien du renvoi devant la cour d'assises spéciale.
La date d'ouverture du procès devant la cour d'assises spéciale n'était pas déterminée au moment des dernières décisions consignées.
Accusés et statut
Sonia Mejri comparaîtra détenue devant la cour d'assises spéciale. Elle conteste les faits qui lui sont reprochés et a déclaré, au cours de l'enquête, que son ex-mari était le "propriétaire" de la jeune fille et qu'elle n'avait "aucun droit" sur elle. Un de ses avocats a déclaré que l'innocence de sa cliente serait établie lors du procès.
Abdelnasser Benyoucef est visé par un mandat d'arrêt et est présumé mort depuis 2016; il devrait être jugé par défaut comme auteur de génocide, de crimes contre l'humanité et pour des infractions terroristes.
Enjeux juridiques
Le dossier soulève une question d'interprétation du crime de génocide: la possibilité de retenir ce chef lorsqu'une attaque s'en prend à un nombre restreint de membres d'un groupe, dans le cadre d'un plan concerté visant ce groupe. La Cour de cassation a confirmé la recevabilité d'une telle qualification dans les conditions exposées ci‑dessus.
Les violences sexuelles utilisées par des membres de l'organisation État islamique à l'encontre de personnes appartenant à la minorité yazidie ont été évoquées dans l'instruction et figurent dans les éléments factuels retenus par l'accusation.
Réactions et suite
Des organisations et acteurs associatifs ont exprimé des positions diverses sur la tenue du procès; certains ont jugé les poursuites fondées et appropriées, d'autres ont mis en avant des éléments de procédure. Le dossier doit désormais être examiné par la cour d'assises spéciale à la date qui sera fixée par la juridiction compétente.