Contexte et objet de l'article
Cet article traite de deux volets liés au projet de loi de finances 2026 : les modifications annoncées par le Sénat sur le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) et les préconisations de la Cour des comptes concernant le pacte Dutreil, reprises dans le débat budgétaire.
Travaux du Sénat sur le PLFSS
Le texte du PLFSS, amendé par l'Assemblée nationale, est attendu à nouveau devant le Sénat. Les rapporteurs de la majorité sénatoriale ont annoncé une série de corrections destinées à revenir sur certaines mesures adoptées par les députés et à recentrer le projet sur une réduction des dépenses.
La commission des affaires sociales, à interlocuteurs majoritairement de droite et du centre, a indiqué vouloir ramener le déficit de la Sécurité sociale à un niveau inférieur à celui figurant dans la version adoptée par l'Assemblée. Là où le projet initial prévoyait un déficit de 17,4 milliards d'euros et où la version de l'Assemblée avait fait passer ce chiffre à environ 24 milliards, la commission propose des dispositions visant à atteindre un solde autour de 15 milliards d'euros.
Parmi les principales mesures proposées figurent la restauration du gel des pensions de retraite (avec une exception pour les pensions inférieures à 1 400 euros) et le gel de certaines prestations sociales, hors allocation aux adultes handicapés (AAH). La commission propose aussi de retirer la disposition relative à la suspension de la réforme des retraites de 2023, c’est‑à‑dire de préserver l’entrée en vigueur du relèvement de l’âge de départ à la retraite introduit par la loi.
Les rapporteurs ont formulé des warnings concernant la situation financière des mécanismes de dette sociale : la Cades (Caisse d'amortissement de la dette sociale) est décrite comme proche de sa capacité et l'Acoss (Agence centrale des organismes de sécurité sociale) voit s'accroître sa dette de court terme, ce qui, selon les rapporteurs, expose le financement des prestations sociales à des tensions.
Le nombre d'amendements déposés sur le PLFSS au Sénat a atteint un niveau élevé, supérieur à celui des années précédentes. La conférence des présidents du Sénat a envisagé d'ajouter un jour d'examen pour permettre l'examen de la pile d'amendements. Les échanges en séance devraient inclure des oppositions de la gauche et des débats sur d'autres pistes évoquées par des parlementaires, comme l'augmentation de la durée du travail portée par des amendements ponctuels.
Rapport de la Cour des comptes sur le pacte Dutreil
La Cour des comptes a publié un rapport évaluant le coût et les effets économiques du pacte Dutreil, dispositif fiscal qui réduit l'imposition des transmissions d'entreprises familiales sous conditions de conservation des titres.
Évaluation budgétaire
La Cour, qui a réalisé une première estimation détaillée en collaboration avec l'Institut des politiques publiques (IPP), a chiffré le manque à gagner lié au dispositif à plus de 5,5 milliards d'euros pour 2024, après 3,3 milliards en 2023. Les années 2020 et 2021 sont présentées dans le rapport comme ayant affiché un manque à gagner d'environ 1,2 milliard d'euros. En parallèle, les montants inscrits traditionnellement dans les projets de loi de finances étaient de l'ordre de quelques centaines de millions d'euros (500 millions d'euros historiquement, porté à 800 millions pour 2025 dans les documents budgétaires).
Constats et recommandations
La Cour juge les effets économiques favorables attendus peu observés dans les données disponibles et formule plusieurs recommandations visant à restreindre le champ de l'avantage fiscal ou à en moduler l'application. Parmi les propositions figurent :
- l'exclusion des biens non professionnels du régime d'abattement ;
- l'allongement de la durée minimale d'engagement de détention des titres ;
- la réduction ou la modulation du taux d'abattement de 75 % en fonction de critères tels que le montant transmis ou l'exposition de l'entreprise à la concurrence internationale ;
- la mise en place d'un barème d'exonération progressif ;
- l'exclusion du bénéfice du régime pour certains secteurs réglementés ou non exposés à la concurrence internationale.
La Cour a estimé que l'application de l'ensemble de ses préconisations pourrait réduire le coût pour les finances publiques de plus de moitié par rapport aux montants observés.
Réactions et mesures parlementaires
Le ministère de l'Économie et des Finances a reconnu la nécessité de préserver l'outil fiscal tout en proposant des ajustements ciblés, notamment l'exclusion explicite de certains "biens somptuaires" dans le périmètre des biens transmis. Le gouvernement et des députés ont par ailleurs engagé des modifications lors de l'examen du projet de loi de finances, notamment des amendements adoptés visant à supprimer les biens non professionnels du régime d'exonération et à allonger la durée minimale de détention.
Les organisations patronales, dont le Medef et le Meti, ont critiqué l'analyse de la Cour comme incomplète et ont mis en garde contre les risques de cessions d'entreprises à des groupes étrangers en cas de durcissement des règles. L'ancien ministre dont le nom est associé au dispositif a également critiqué le rapport de la Cour. La Cour des comptes, par son Premier président, a défendu sa démarche d'évaluation et appelé les parlementaires à s'emparer des conclusions dans le cadre du débat budgétaire.
Mesures complémentaires évoquées dans le débat budgétaire
Parmi d'autres amendements adoptés en lien avec le budget 2026 figure une disposition votée par l'Assemblée nationale visant à supprimer une exonération d'accise sur les carburants d'aviation utilisés par des jets privés, destinée à compenser une suppression de ressources affectées aux transports en commun en Île-de-France. Le rendement attendu de cette mesure a été contesté par le gouvernement, qui a souligné des risques d'érosion de la base fiscale en cas de ravitaillement transfrontalier.
Suites procédurales
Les conclusions de la Cour des comptes et les amendements adoptés à l'Assemblée interviennent dans le calendrier de navette parlementaire du projet de loi de finances et du PLFSS. Les points soulevés par le Sénat et par la Cour sont appelés à donner lieu à des débats en séance publique, puis à des arbitrages lors des échanges entre les deux assemblées. Les issues possibles comprennent l'adoption d'amendements, des conciliations entre chambres, ou l'utilisation de procédures législatives spécifiques selon l'évolution des négociations entre le gouvernement et les assemblées.








