Contexte
La commission des Finances de l'Assemblée nationale a entamé, le 20 octobre 2025, l'examen de la première partie du projet de loi de finances (PLF) pour 2026, consacrée aux recettes. Les députés ont déposé environ 1 700 à 1 800 amendements sur cette partie du texte. Le gouvernement a présenté un effort global d'environ 30 milliards d'euros, réparti entre nouveaux prélèvements et économies de dépenses, visant à réduire le déficit public. Le gouvernement a renoncé au recours à l'article 49.3 de la Constitution pour ce PLF.
Calendrier législatif
La commission a prévu de travailler du lundi au mercredi sur la partie recettes, avant l'examen en séance publique, attendu à partir de vendredi, et un vote solennel annoncé pour le 4 novembre. Le dépôt du PLF à l'Assemblée avait eu lieu précédemment. Les délais constitutionnels prévoient une période d'examen de soixante-dix jours pour le PLF et de cinquante jours pour le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS).
Principaux enjeux débattus
Hauts revenus et justice fiscale
- La création d'une « taxe Zucman » (impôt minimal de 2 % sur les patrimoines supérieurs à 100 millions d'euros, incluant le patrimoine professionnel) a été soutenue par les groupes de gauche et rejetée en commission. La mesure doit être à nouveau débattue en hémicycle.
- La prolongation et le renforcement de la contribution différentielle sur les hauts revenus (CDHR), instrument visant à garantir un niveau minimal d'imposition pour les revenus les plus élevés, ont été adoptés par la commission, avec des amendements visant à lier sa durée au niveau du déficit public.
- Des propositions de rétablissement ou d'adaptation de l'impôt sur la fortune (ISF climatique, impôt sur la fortune financière) ont été évoquées par différents groupes mais n'ont pas été retenues en commission.
Mesures fiscales ciblées et niches
- La commission a adopté des modifications touchant certaines niches fiscales, notamment des rabotages et des réorientations pour réduire le coût des dispositifs jugés coûteux. Des exemptions ou avantages ont été prorogés pour certains cas (pourboires, dispositifs ciblés) tandis que d'autres abattements ont été révisés.
- Une taxe sur les holdings patrimoniales, proposée par le gouvernement pour réduire les stratégies d'optimisation fiscale, a été largement remaniée en commission, puis supprimée ou réécrite selon des amendements adoptés en commission ; le texte initial sera rediscuté en séance.
Barème de l'impôt sur le revenu
- Le gouvernement avait proposé le gel du barème de l'impôt sur le revenu dans le cadre d'une « année blanche ». En commission, les députés ont adopté une indexation partielle du barème : la première tranche a été revalorisée à hauteur de l'inflation (mesure ciblée visant à limiter le basculement de foyers modestes vers l'assujettissement à l'impôt).
Fiscalité environnementale et autres mesures
- Des mesures liées à la fiscalité environnementale ont été débattues : extension du malus écologique à certains véhicules, taxation des déchets via une hausse de la TGAP évoquée par des sources parlementaires, et d'autres propositions visant à intégrer des objectifs environnementaux dans la fiscalité.
- D'autres sujets ont été portés en commission, comme la taxation des vapoteuses ou la modification de l'exemption d'impôt sur certaines indemnités journalières.
Amendements adoptés en commission (sélection)
- Prolongation de la contribution différentielle sur les hauts revenus (CDHR), avec lien proposé à l'évolution du déficit public.
- Indexation limitée de la première tranche du barème de l'impôt sur le revenu.
- Défiscalisation des pensions alimentaires versées pour l'entretien d'enfants mineurs (amendement adopté en commission).
- Réécritures et suppressions d'articles relatifs à la taxe sur les holdings patrimoniales ; adoption d'autres dispositifs visant à lutter contre l'évasion fiscale (réintroduction de mesures comme l'exit tax pour freiner l'exil fiscal de certains contribuables).
- Prolongation temporaire de l'exonération sur les pourboires et révision de certains avantages fiscaux.
Tension politique et contraintes procédurales
- Le contexte parlementaire est marqué par l'absence d'une majorité claire pour le gouvernement et par des groupes aux positions divergentes. La renonciation au 49.3 place l'issue du texte dans les mains du Parlement et augmente le rôle des amendements et des négociations.
- L'agence de notation S&P Global Ratings a relevé une incertitude accrue sur les finances publiques et a abaissé la note de la France peu avant l'ouverture des débats, ce qui a été évoqué comme un élément de contrainte pour les choix budgétaires.
- La commission doit traiter un grand nombre d'amendements en peu de temps, ce qui pose des contraintes de rythme et peut affecter la qualité des débats et des arbitrages.
Autres impacts évoqués
Apprentissage et politiques de l'emploi
- Le PLF prévoit des économies dans la mission « Travail, emploi et administration des ministères sociaux ». Des coupes importantes sur les crédits relatifs à l'apprentissage ont été signalées par des parlementaires et des représentants économiques : baisse des dotations aux primes à l'embauche d'apprentis et réduction des dérogations à la taxe d'apprentissage. Les parlementaires ont exprimé des réserves sur les conséquences possibles pour l'emploi des jeunes et la formation professionnelle.
Sécu et PLFSS
- Le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) fait l'objet d'un examen séparé en commission des Affaires sociales à partir de la semaine suivant l'ouverture de la commission des Finances. Le PLFSS comprend des mesures visant à maîtriser la dépense (gel de certaines prestations, modifications des remboursements de médicaments et des conditions de prise en charge) ; il est soumis à un calendrier d'examen propre et à des délais de cinquante jours.
Perspectives
Les décisions prises en commission dessinent des compromis ponctuels mais plusieurs sujets structurants restent ouverts pour l'examen en séance publique : taxation des très hauts patrimoines, fiscalité des holdings, architecture finale du barème de l'impôt sur le revenu et ciblage des économies. Les discussions dans l'hémicycle et les suites en commission mixte paritaire détermineront la version finale du PLF avant son adoption et sa promulgation.