Contexte et examen en commission
Lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2026, la commission des finances de l'Assemblée nationale a étudié le volet recettes du budget. Le premier jour de cette phase d'instruction, lundi 20 octobre 2025, la commission a rejeté l'amendement dit « taxe Zucman ». Le rejet a recueilli les voix des députés de la coalition gouvernementale et du Rassemblement national. Le texte devait être de nouveau débattu en séance publique à partir du vendredi suivant, avec un vote solennel programmé au 4 novembre 2025. Les parlementaires disposent, conformément aux délais constitutionnels, d'une fenêtre de soixante-dix jours pour adopter le budget, en vue d'une promulgation avant le 31 décembre.
Dispositif proposé : caractéristiques principales
L'amendement porté par des députés de gauche visait à instituer un impôt minimum de 2 % sur le patrimoine pour les contribuables disposant d'au moins 100 millions d'euros de patrimoine. Le dispositif ciblait environ 1 800 contribuables et incluait les biens professionnels dans l'assiette imposable. Les promoteurs du texte l'ont présenté comme une mesure visant à accroître la contribution des très hauts patrimoines.
Arguments exprimés et réactions
Les opposants au dispositif au sein de la commission ont avancé plusieurs critiques techniques et économiques, notamment le risque d'alourdir la charge fiscale des entrepreneurs dont la richesse est essentiellement investie dans des actifs professionnels non liquides et de réduire l'attractivité pour la création d'entreprises en France. Ils ont également soulevé des questions sur le traitement des biens professionnels.
Des économistes et acteurs du débat public ont réagi de façon contrastée. L'un des promoteurs du projet a estimé que le rejet revenait à préserver l'exonération effective de certains très hauts patrimoines. Un autre économiste, lauréat du prix Nobel, a exprimé des réserves sur l'inclusion des outils de travail dans l'assiette, estimant que cela pourrait compliquer le financement et le développement d'entreprises très valorisées mais peu rentables à leurs débuts.
Mesures fiscales et dispositifs parallèles du projet de loi de finances
Le projet de loi de finances pour 2026 comporte plusieurs autres mesures fiscales et budgétaires destinées à modifier le paysage des prélèvements et des aides publiques :
Réduction de la CVAE : la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) est prévue pour être réduite, pour un allègement budgétaire estimé à 1,3 milliard d'euros et un bénéfice attendu pour environ 300 000 entreprises. Le gain net, après effets sur l'impôt sur les sociétés, a été chiffré à environ 1,1 milliard d'euros. Le calendrier annoncé prévoit une suppression progressive de la CVAE à l'horizon 2028.
Surtaxe sur l'impôt sur les sociétés : la surtaxe exceptionnelle visant les très grandes entreprises est reconduite mais pour un montant réduit, touchant les entreprises dont le chiffre d'affaires dépasse 1 milliard d'euros. Le produit attendu pour 2026 a été estimé à environ 4 milliards d'euros, contre environ 8 milliards pour la mesure antérieure.
Rationalisation des niches fiscales et sociales : le gouvernement a prévu un resserrement des dispositifs dérogatoires pour mobiliser environ 5 milliards d'euros de recettes. Parmi les ajustements figurent des réformes sur les avantages liés aux compléments de salaire, un alignement de la fiscalité du bioéthanol, des rehaussements de contributions employeurs sur certaines ruptures conventionnelles et la suppression d'exonérations pour certains nouveaux contrats d'apprentissage. Certaines mesures ciblées, comme le crédit d'impôt recherche (CIR) et le pacte Dutreil, ont été maintenues, tandis que le régime des jeunes entreprises innovantes (JEI) a fait l'objet d'un durcissement des conditions d'éligibilité (seuil de dépenses de R&D relevé).
Révision des aides aux entreprises : des économies à hauteur d'environ 1,5 milliard d'euros sur les aides publiques ont été prévues, parallèlement à des financements nouveaux destinés à la transition industrielle (500 millions d'euros pour la décarbonation industrielle et 500 millions d'euros pour l'hydrogène décarboné).
Évolutions adoptées en commission et amendements notables
La commission a examiné et voté plusieurs amendements affectant le texte :
Prolongation de la contribution différentielle sur les hauts revenus (CDHR) : maintien d'un taux minimal d'imposition pour les revenus supérieurs à un certain seuil, présenté comme 20 % pour les ménages dont les revenus excèdent ce montant, avec une prolongation liée à la trajectoire du déficit public.
Indexation du barème de l'impôt sur le revenu : un amendement adopté a limité l'indexation à la première tranche du barème.
Divers ajustements : adoption d'amendements portant sur la défiscalisation de certaines pensions alimentaires, la modification d'abattements fiscaux pour certaines professions et la réécriture de dispositions relatives à la taxation de holdings patrimoniales. Des propositions visant à rétablir des dispositifs antérieurs, comme l'exit tax, ont également été soutenues.
La commission a indiqué qu'elle devait encore examiner plusieurs centaines d'amendements au cours de ses journées d'instruction.
Évaluations macroéconomiques et points d'incertitude
Certaines institutions d'évaluation ont exprimé des réserves sur la trajectoire de redressement budgétaire présentée dans le projet. L'une d'elles a estimé que les mesures proposées pourraient réduire la croissance potentielle d'environ 0,6 point de PIB par rapport aux scénarios envisagés par le gouvernement. Les effets sur l'investissement, la consommation et la lutte contre la fraude fiscale ont été identifiés comme des éléments d'incertitude. Le niveau de dette publique projeté dans les documents budgétaires a été mentionné parmi les contraintes de politique économique.
Implications pour les entreprises
Les modifications prévues dans le projet de budget présentent des implications opérationnelles et financières pour les entreprises :
Pour les entreprises industrielles, la réduction de la CVAE devrait alléger des charges de production et améliorer la trésorerie à court terme.
La rationalisation des aides et des niches fiscales impose une réévaluation des montages fiscaux et des dispositifs d'appui aux salariés et aux dirigeants.
Les conditions d'accès renforcées au régime JEI et la suppression de certaines exonérations à l'apprentissage peuvent affecter la stratégie d'innovation et de recrutement des jeunes sociétés.
Les financements nouveaux ciblés sur la décarbonation et l'hydrogène constituent des opportunités de soutien pour les projets alignés sur ces priorités.
Suite du parcours législatif
Le texte poursuit son examen en séance publique, où d'autres amendements pourront être adoptés ou rejetés. Le calendrier parlementaire et les arbitrages finaux détermineront l'adoption définitive des mesures et leur forme finale pour l'application aux exercices budgétaires concernés.








