Contexte
Le mélanome cutané est une forme de cancer de la peau étroitement liée à l'exposition aux rayonnements ultraviolets (UV). Le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) classe les cabines de bronzage artificiel parmi les agents carcinogènes et attribue plus de 80 % des cas de mélanome à une exposition aux UV. Le nombre de décès imputables au mélanome dans le monde a été estimé à près de 60 000 en 2022.
Publication et objectifs de l'étude
Une étude publiée en décembre 2025 dans la revue Science Advances a été conçue pour évaluer l'association entre l'utilisation de cabines de bronzage artificiel et le risque de mélanome. Les objectifs comprenaient l'analyse épidémiologique du risque et la caractérisation des dommages cellulaires et moléculaires imputables aux UV artificiels.
Méthodologie
Les auteurs ont comparé les dossiers médicaux de 3 000 personnes ayant déclaré l'usage de cabines de bronzage avec ceux d'individus du même âge n'ayant pas utilisé ces appareils. Les analyses épidémiologiques ont été ajustées pour des facteurs potentiellement confondants tels que l'âge, les antécédents familiaux de cancer et l'historique de coups de soleil.
Parallèlement, les équipes ont procédé au séquençage de 182 biopsies cutanées en ciblant spécifiquement les mélanocytes, à l'aide d'une technologie de séquençage focalisée sur ces cellules pigmentaires, afin d'évaluer la charge mutationnelle et les signatures mutationnelles associées à l'exposition aux UV.
Résultats épidémiologiques
Dans la cohorte étudiée, un mélanome avait été diagnostiqué chez 5 % des utilisateurs de cabines de bronzage, contre 2 % chez les non-utilisateurs. Après ajustement pour les facteurs pris en compte, le risque relatif pour les utilisateurs de cabines s'est établi à 2,85 par rapport aux non-utilisateurs.
Les mélanomes observés chez les utilisateurs étaient plus fréquemment localisés sur des zones du corps généralement peu exposées au soleil, telles que le bas du dos et les fesses, ce qui suggère un lien spécifique avec l'exposition intermittente ou intense aux UV artificiels.
Résultats moléculaires et cellulaires
Les analyses génétiques ont montré que les mélanocytes issus d'utilisateurs de cabines présentaient près du double de mutations de l'ADN par rapport à ceux des non-utilisateurs. De manière notable, les adultes utilisateurs âgés de 30 à 40 ans présentaient une charge mutationnelle supérieure à celle observée chez des personnes âgées de 70 à 80 ans dans la série étudiée, ce que les auteurs interprètent comme un possible effet accélérateur des UV artificiels sur les mécanismes de cancérogenèse.
Cas illustratif
L'étude inclut des cas cliniques intégrés aux séries moléculaires. Par exemple, une ancienne utilisatrice régulière de cabines a fourni des prélèvements analysés après le diagnostic et le traitement d'un mélanome à l'âge adulte ; ces données ont contribué aux observations moléculaires rapportées.
Réglementation et recommandations
Plusieurs pays ont mis en place des interdictions totales ou des restrictions d'accès aux cabines de bronzage, notamment des interdictions pour les mineurs. Dans le communiqué accompagnant l'étude, les auteurs recommandent au minimum d'interdire l'usage des cabines aux mineurs et conseillent la surveillance médicale des anciens utilisateurs ainsi que des campagnes de prévention et d'information.
Interprétation et limites
Les conclusions reposent sur l'association observée entre l'usage de cabines de bronzage et l'augmentation du risque de mélanome, ainsi que sur une différenciation de la charge mutationnelle dans les mélanocytes. Les résultats épidémiologiques ont été ajustés pour plusieurs facteurs de confusion, mais l'évaluation définitive de la causalité et la généralisation des conclusions nécessitent un examen critique des méthodes, de possibles biais de sélection et de l'hétérogénéité des expositions.
Les auteurs notent également les limites liées au nombre de biopsies séquencées et à la nécessité de réplications dans d'autres cohortes pour confirmer les signatures mutationnelles attribuables aux UV artificiels.
Conclusion
Cette étude apporte des éléments concordants, épidémiologiques et moléculaires, en faveur d'un effet nocif des cabines de bronzage artificiel sur le risque de mélanome et sur la charge mutationnelle des mélanocytes. Les résultats soutiennent des mesures de prévention ciblées, en particulier la protection des mineurs et la surveillance dermatologique des personnes exposées.








