Contexte et évolution législative
Le débat sur la durée de la rétention administrative en France a conduit à l'adoption d'une loi qui visait à allonger la durée maximale du maintien en centre de rétention administrative (CRA) pour les étrangers en instance d'expulsion, notamment ceux condamnés pour certains crimes ou considérés comme présentant une menace à l'ordre public. Cette mesure avait été portée par le ministre de l'Intérieur, Bruno Retailleau, peu après un fait divers survenu à Paris en septembre 2024, impliquant une personne précédemment soumise à une obligation de quitter le territoire français.
Jusqu'à présent, la durée maximale de rétention administrative fixée par la loi en vigueur était de 90 jours, sauf exception pour les personnes condamnées pour des faits liés au terrorisme, pour lesquelles une durée de 210 jours est permise.
Contenu de la loi censurée
La loi proposée prévoyait d'étendre la durée maximale de rétention à 210 jours (soit sept mois) pour des étrangers présumés dangereux, notamment ceux ayant été condamnés pour des crimes graves tels que meurtre, assassinat, viol, trafic de stupéfiants, ou actes de violence aggravée. Cette modification concernait également les individus jugés comme représentant une menace d'une particulière gravité pour l'ordre public.
Saisine du Conseil constitutionnel et motifs de la censure
Des députés appartenant à l'opposition, dont des représentants de groupes insoumis et communistes, ont saisi le Conseil constitutionnel. Dans sa décision du 7 août 2025, le Conseil a jugé que l'allongement de la durée de rétention n'était pas proportionné à l'objectif poursuivi de lutte contre l'immigration irrégulière. Les Sages ont rappelé que le maintien en rétention d'un étranger doit respecter le principe de nécessité et de proportionnalité de l'atteinte à la liberté individuelle. Ils ont estimé que la mesure s'appliquait à des personnes dont la menace actuelle n'était pas systématiquement établie, et qu'elle concernait également des faits ne présentant pas nécessairement une particulière gravité.
Réactions et suites envisagées
Le ministre de l'Intérieur a exprimé son intention de présenter rapidement un nouveau texte modifié devant le Parlement, après avis du Conseil d'État, afin d'allonger la durée de rétention pour certains profils. Il a également rappelé que la question de la sécurité et de l'immigration relève selon lui du peuple souverain, évoquant la possibilité d'un référendum.
Des réactions divergentes se sont exprimées au sein du monde politique et des associations. Certaines organisations considèrent la décision du Conseil constitutionnel comme un rappel du respect des libertés individuelles et du principe d'État de droit. D'autres acteurs politiques critiquent la limitation de la durée de rétention à 90 jours, la jugeant insuffisante par rapport à la législation d'autres pays européens où la rétention peut durer jusqu'à 18 mois.
Dispositions validées
Malgré la censure de l'allongement de la durée de rétention, certains articles de la loi ont été validés. Parmi eux figurent l'autorisation de relever des empreintes digitales et de prendre des photographies d'une personne placée en centre de rétention administrative, sans son consentement.
Données chiffrées
En 2024, la durée moyenne du séjour en CRA en France était de près de 33 jours. Les centres de rétention française ont accueilli 40 592 personnes réparties sur 25 sites, contre 46 955 l'année précédente. La durée initiale de rétention avait été fixée à dix jours en 1993, avant d'être portée à 90 jours par la loi de 2018 pour les cas ordinaires.
Conclusion
La décision du Conseil constitutionnel a remis en cause l'allongement de la durée de rétention administrative des étrangers en instance d'expulsion, confirmant la prévalence du principe de proportionnalité en matière de privation de liberté. Les débats sur la réforme de la rétention administrative demeurent ouverts, tant sur le plan juridique que politique.